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temps, il faut souvent s’adresser aux contrées les plus lointaines du monde actuel. Les formes européennes elles-mêmes ne sont pas absentes, quoiqu’elles paraissent réduites à un minimum d’importance relative. On observe çà et là des aunes, des bouleaux, des chênes, des ormeaux, des érables ; mais ces végétaux sont toujours très rares.

Les nappes lacustres abondaient. Ce n’étaient pas sans doute des lacs profondément encaissés, comme ceux de la Suisse. Ces lacs ressemblaient plutôt à ceux de la Suède et de la Finlande, de la Chine et de l’Amérique, sortes d’estuaires aux bords vagues, communiquant entre eux, situés sur un sol médiocrement accidenté et à portée de la mer, dont ils trahissent le voisinage par bien des indices. Ils étaient profonds cependant, soit par eux-mêmes, soit parce que le bassin qui les comprenait s’abaissait insensiblement. Enfin la durée en fut très longue, car ils présentent ordinairement une succession compliquée d’élémens de toute sorte étages par assises régulières. Nulle part ces lacs ne sont aussi nombreux et aussi bien caractérisés qu’en Provence. On y suit les sinuosités des bords, on reconnaît les accidens des rivages, les points où les courans venaient se précipiter, et ceux où le long d’une plage tranquille s’accumulaient les dépouilles des végétaux. La nature, le nombre, la disposition des empreintes, indiquent dans quelle proportion ces végétaux se trouvaient combinés, et fournissent par induction mille détails curieux sur la vie à cette époque. Les mammifères qui fréquentaient ces parages étaient ceux dont la découverte dans le gypse de Montmartre a immortalisé Cuvier. On les a depuis rencontrés sur divers points de l’Europe, formant partout la même association. Leurs mœurs étaient tranquilles ; leur régime se composait de substances végétales, surtout de racines, de feuillages et de fruits ; quelques-uns devaient vivre d’insectes ou ronger les bois et les écorces. On ne comptait qu’un petit nombre de carnassiers, et encore se nourrissaient-ils en partie de végétaux.

La même ambiguïté de caractères se présente chez tous ces animaux quand on les examine de près, soit pour les classer, soit pour définir leurs habitudes. MM. Heer et A. Gaudry, dans des publications récentes, et avant eux M. Gervais, quoique celui-ci adopte d’autres conclusions, ont fait également ressortir la signification et la portée de ces caractères mixtes. La séparation et la bifurcation des types ne s’opèrent donc que peu à peu et par une marche progressive. Les divers rameaux s’écartent d’autant plus qu’on s’éloigne davantage du point de départ originaire, et, en se rapprochant de ce point, on voit les caractères converger de plus en plus. Cette ramification des types, pareille à celle d’un arbre généalogique, n’est pas le seul point à noter ; il en existe un autre.