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offrent des caractères que l’étude permet de saisir. Cependant tous les résultats auxquels on est parvenu dernièrement à cet égard ne sont pas également sûrs ; aussi ne nous appuierons-nous que sur les mieux établis dans le tableau que nous allons tracer. Le pays qui s’étend vers Reims et Rilly-la-Montagne était alors occupé par un lac qu’alimentaient des eaux vives et jaillissantes. Une de ces sources coulait auprès de la petite ville de Sézanne, et y formait une cascade dont les parois subsistent encore et conservent l’incrustation de nombreuses empreintes végétales. Ces rocailles ressemblent à celles qui ont rendu célèbres les cascatelles de Tivoli ; il semble seulement qu’un accident imprévu en ait détourné pour quelques instans les eaux des temps tertiaires. L’œil exercé du géologue reconstruit les moindres accidens de l’ancienne localité. Il aperçoit jusqu’aux mousses qui tapissaient de larges plaques la surface humide du rocher ; pour lui, de merveilleuses fougères se penchent sur le gouffre écumant et balancent leurs feuilles finement découpées ; au-dessus s’étagent des arbres puissans : ce sont des figuiers, des lauriers au port élancé, des magnolias aux feuilles lustrées, des sterculiers, des tilleuls. Ces arbres à l’aspect exotique ne sont pas les seuls ; des noyers et des chênes leur sont associés ; on entrevoit au milieu d’eux des peupliers et des saules, des aunes et des ormeaux ; des vignes sauvages et un lierre vigoureux s’attachent aux troncs ; toutes ces essences se mêlent, se croisent, se complètent l’une par l’autre, tout chez elles annonce la vigueur opulente que les voyageurs admirent au fond des vallées ombreuses du Népaul. Ce tableau, dont les couleurs n’ont rien de fantastique, nous reporte au sein d’une forêt vierge du commencement de l’âge tertiaire.

A mesure qu’on avance dans cette période, le spectacle semble changer. Les documens sont moins restreints, ils proviennent de points très éloignés, et partout un grand caractère d’uniformité se fait reconnaître. L’aspect général annonce que le climat s’est modifié ; il est devenu plus sec et plus chaud. Les feuillages ont moins d’ampleur, les formes étroites et coriaces dominent ; on se dirait transporté aux environs du Cap, en Australie ou dans les savanes du Texas, quelquefois aussi dans certaines parties de l’Inde, ou plutôt la végétation se compose de traits mixtes empruntés à ces divers pays. Les palmiers et les essences des pays les plus chauds se multiplient partout. Cette végétation, assez chétive de stature et monotone d’aspect, si l’on considère l’ensemble, est riche et féconde, si l’on s’attache à la variété des genres et au nombre des espèces. Il se produit ici le même effet que dans la Nouvelle-Hollande, où la flore se renouvelle presque entièrement dès qu’on passe d’un canton dans un autre. Il existait aussi beaucoup d’originalité dans les formes, et, pour trouver des analogies avec les végétaux de ce