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prolongé avant d’être définitif, tandis que l’autre obtenait peu à peu une prépondérance exclusive. Sous ce rapport, l’époque de la craie peut être regardée comme le point de départ de la végétation particulière à notre zone, de même que le temps des houilles marque celui du règne végétal tout entier. Dès ce moment en effet commence une évolution d’un autre genre, par laquelle les tribus nouvelles vont se multiplier et se diversifier dans une proportion toujours croissante. Sans doute les différences de sol, de climat, de station, qui s’accentuent chaque jour davantage, contribuent à ce résultat ; mais la flexibilité des organismes y contribue aussi dans une large mesure. Le climat de l’ancienne Europe a dû varier à bien des reprises, et par là s’explique la prépondérance alternative de l’association australienne, au feuillage grêle et coriace, et de l’association contraire, remarquable par l’ampleur des organes appendiculaires. Les choses se passent encore de même. Beaucoup de flores régionales revêtent des traits d’ensemble qui aident à les reconnaître au premier coup d’œil. Les phénomènes que nous observons dans l’espace se sont autrefois manifestés dans le temps, et la nature n’a pas changé de procédés. Elle a toujours su plier les organismes sous l’influence des milieux, influence d’autant plus énergique qu’elle est permanente, et que dans le règne végétal elle s’applique à des êtres fixés au sol qui la subissent sans pouvoir s’y soustraire.


II

Nous arrivons enfin à la période tertiaire. Peut-être plus courte et certainement mieux connue que les précédentes, elle est moins remarquable par l’introduction de nouveaux types que par l’immense et dernière évolution en vertu de laquelle ceux qui existaient déjà se sont développés, équilibrés, distribués par régions et par zones, et ont revêtu les caractères définitifs qui les distinguent de nos jours. Le règne végétal ne cesse de se développer en Europe jusqu’au-delà de la première moitié des temps tertiaires, c’est-à-dire tant que la température, malgré des variations partielles, n’a pas encore décliné. À ce moment commence un long travail d’élimination que l’abaissement du climat accélère de plus en plus. C’est seulement auprès de Paris que la végétation du premier des âges tertiaires a laissé des traces ; des travaux qui avaient pour but d’extraire des matériaux propres à ferrer les routes nous permettront de faire revivre en quelques lignes une des scènes les plus fraîches de la nature d’autrefois. La quantité de feuilles à l’état d’empreintes retirées de la carrière des Crottes, près de Sézanne, est vraiment surprenante, les échantillons sont souvent complets et