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où nous sommes parvenus, les élémens végétaux étaient encore bien incomplets. Ils devaient achever de s’étendre et de se développer pour que les mammifères eussent la possibilité de le faire à leur tour. L’évolution de ceux-ci a été par cela même plus tardive.

Aucun ordre de phénomènes en géologie n’est entièrement isolé ; tout se lie et s’enchaîne. Solidaires l’un de l’autre, les deux règnes organiques dépendent également des conditions de milieu dont ils reflètent les changemens, et parmi ces changemens il n’en est pas de mieux définis que ceux qui résultent de l’agrandissement des parties émergées de la surface terrestre. De petites cartes, intercalées dans le texte du livre de M. Heer sur les Temps primitifs de la Suisse, permettent de suivre le développement successif du continent européen ; on y voit des îles, d’abord éparses, s’agrandir progressivement jusqu’au moment où elles se réunissent pour constituer une seule terre qui s’étend sans interruption du fond de la Bretagne jusqu’au-delà de Breslau, en Silésie. Cette jonction était opérée lors de la période crétacée. L’Europe centrale formait alors un petit continent dont les limites occidentales se trouvent cachées par l’Océan, mais qui, plans la direction opposée, dessinait les contours d’une vaste péninsule découpée de profondes sinuosités, un peu arquée de manière à tourner vers le nord la partie convexe. De Poitiers jusqu’au Harz, les rivages en étaient dirigés vers le nord-est ; ils inclinaient ensuite vers le sud jusqu’auprès de Vienne, et à partir de Vienne ils marquaient les bords d’une mer qui remplissait la vallée entière du Danube, et pénétrait par Constance, à travers la Suisse, jusqu’à Genève, pour rejoindre par un détroit la vallée actuelle du Rhône. Au sud de la vallée du Danube, la région des Alpes, depuis le Tyrol jusqu’en Savoie et de Brégenz à Milan, formait une grande lie allongée de l’ouest à l’est, et circonscrivant ainsi une mer intérieure étroite et longue qui persista longtemps au centre même de l’ancienne Europe. C’est vers le nord de la plus grande des deux terres, sur divers points de l’Allemagne, qu’ont été recueillies des plantes où l’on remarque les premiers indices d’une révolution destinée à compléter le règne végétal, en le dotant de ses élémens les plus parfaits.

Jusqu’ici nous n’avons rencontré encore aucune trace d’arbres à feuilles comme le chêne, le tilleul, l’aubépine, ni des herbes qui s’y rattachent. Nous devons à un accident géologique les premiers indices de la présence de ces végétaux. Vers le milieu des temps crétacés, la mer envahit la région occupée maintenant par le cours supérieur de l’Elbe, c’est-à-dire la Bohême et la Basse-Silésie, et la transforma en un golfe étroit et profond. C’est à la base des sédimens auxquels donna lieu la nouvelle mer qu’on a trouvé non-seulement, comme dans les terrains antérieurs, des empreintes de