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du terrain paléozoïque, l’étage silurien[1], atteint dans les îles britanniques l’épaisseur énorme de 8 kilomètres, et l’ancienneté de la vie sur le globe est telle que, d’après M. d’Archiac, « les manifestations organiques initiales sont peut-être aussi éloignées dans le temps de la première faune observée que cette faune dite primordiale l’est elle-même de la nôtre. » On est donc en droit de conclure qu’il serait raisonnable d’assigner à l’élévation de la température dans les temps secondaires une autre cause que celle de la chaleur transmise par le noyau en fusion. Ce qui prouve que déjà cette influence était assez peu sensible dès les temps les plus reculés où nos investigations puissent atteindre, c’est encore l’étude des végétaux. Au lieu d’accuser un refroidissement régulier de période en période, la succession des espèces végétales, d’après les observations les plus récentes, démontre que la température est demeurée à peu près stationnaire, malgré des oscillations partielles, à travers des myriades de siècles. L’élévation de la température européenne aux époques secondaires s’explique d’ailleurs par plusieurs autres raisons. Il faut considérer que les surfaces continentales se sont étendues progressivement, que les mers ont été longtemps plus vastes que de nos jours, que les aspérités de la surface n’ont atteint que récemment l’altitude nécessaire à la permanence des neiges, que, l’océan étant plus ouvert et pénétrant partout au milieu des terres, les glaces polaires se formaient plus difficilement, que l’atmosphère, avant la fixation d’une grande partie des substances gazeuses qu’elle a dû originairement contenir, était plus dense, plus chargée de vapeur et moins exposée aux effets du rayonnement nocturne. En combinant toutes ces causes qui concourent également au même résultat, on sera, nous le croyons, bien près de la réalité des faits, quoiqu’il soit impossible de donner à cet égard une démonstration rigoureuse.

S’il est difficile de mesurer les oscillations successives de la température, il est aisé de constater les progrès que la vie organique n’a cessé d’accomplir par une marche pour ainsi dire régulière. Après le début de la période crétacée, le règne végétal touche enfin au moment de son évolution définitive. À cette époque, les eaux ont reçu les tribus si nombreuses qui les peuplent et dont les formes ont varié depuis sans amélioration sensible. La classe des reptiles domine le règne animal tout entier par la puissance, par la multiplicité, souvent l’étrangeté de ses espèces ; mais ces êtres, tantôt monstrueux, tantôt singuliers, sans instinct intelligent, sans germes de perfectibilité, n’ont avec les surfaces continentales que des

  1. C’est le plus ancien de ceux où l’on a observé jusqu’ici des vestiges d’êtres organisés.