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Des conditions de sol et de climat combinées autrement, en particulier une humidité moins égale, moins permanente, et un écoulement plus rapide des eaux, ont été peut-être la vraie cause de l’appauvrissement de la végétation à l’époque qui suivit celle des bouilles, c’est-à-dire dans le permien et plus tard dans le trias. Le trias, âge mal connu et caractérisé par des traits ambigus, paraît correspondre à une de ces périodes de renouvellement où les types en voie de décadence disparaissent peu à peu, tandis que ceux qui doivent les remplacer s’introduisent successivement. Les premiers laissent des vides parce qu’ils se réduisent à un nombre décroissant d’individus, les seconds, sont encore obscurs et clairsemés. La vieillesse et l’enfance sont également faibles, et, dans les temps où ces deux extrêmes se trouvent seuls en présence, la nature revêt nécessairement un caractère de dénûment et de monotonie. C’est à peine si vers la fin de la période les espèces de fougères qui composent cette végétation appauvrie prennent un peu plus de variété ; mais ce mouvement de transformation se ralentit et s’arrête presque pendant la période suivante, la période jurassique, une des plus longues que notre globe ait traversées. Rien de plus immobile que cette végétation jurassique partout où il a été donné de l’entrevoir. Au nord comme au sud de l’archipel européen, elle offre constamment les mêmes formes, combinées dans des proportions qui varient à peine d’un étage à l’autre. Les cycadées, plantes singulières dont le port rappelle celui des palmiers, et qui sont surtout remarquables par la lenteur avec laquelle elles croissent, dominaient alors en Europe. De nos jours on les rencontre, dispersées par petits groupes, dans les îles et les continens voisins des tropiques, mais surtout dans l’hémisphère austral. Ce ne sont pas pourtant des plantes exclusivement tropicales ; elles se tiennent de préférence entre le 20e et le 30e degré de latitude sud.

Cependant, après chacune des sous-périodes entre lesquelles se divise la grande période jurassique, les terres s’étendaient par un mouvement presque régulier. De nouveaux reliefs plus accentués correspondaient à ces mouvemens d’émersion et donnaient aux continens une configuration plus variée et des vallées plus profondes. De là sans doute l’apparition des premiers fleuves. Aussi la période suivante, celle de la craie, est-elle des plus importantes au point de vue des phénomènes de la vie, puisque c’est alors que le monde des plantes, accomplissant, une évolution définitive, a dépouillé partout les formes primitives pour revêtir celles que nous lui