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lorsqu’il cherche à supputer le temps écoulé depuis l’époque qui les a vus s’accumuler, et cependant on peut encore, dans certains cas, retirer du moule qui les contient les tissus végétaux desséchés, mais conservant une sorte de souplesse qui les rend pareils aux spécimens de nos herbiers. D’autres végétaux fossiles, principalement des tiges et des fruits, au lieu de se réduire en charbon, ont été l’objet d’une transformation remarquable. Chez eux, une matière nouvelle, minérale, souvent très dure et plus ou moins transparente, s’est substituée à celle dont la plante était originairement formée, en conservant jusque dans les moindres détails la trame des tissus intérieurs ; mais ce qui plus que tout le reste a contribué à faire arriver jusqu’à nous les formes de l’ancienne végétation, ce sont les empreintes laissées par elle dans les divers sédimens. Une empreinte végétale n’est autre chose qu’un moule des parties extérieures d’une plante formé par une matière plastique appliquée d’abord contre les inégalités de l’original et ensuite consolidée. L’homme n’agit pas autrement lorsqu’il moule un objet quelconque ; seulement la nature arrive à ses fins par des moyens à la fois plus lents et plus sûrs, et elle produit des résultats dont la délicatesse surpasse de beaucoup celle des œuvres humaines. Tout le monde connaît le jeu capricieux des concrétions de tuf. D’anciennes sources ont ainsi encroûté des feuilles, des tiges et des fruits. Les roches qui renferment ces sortes d’empreintes, résultat de l’action chimique d’eaux courantes, présentent une disposition un peu confuse. Les empreintes les plus fréquentes s’observent au contraire dans des lits parfaitement réguliers dont l’origine est due à des dépôts limoneux. Pour se rendre compte de la manière dont les choses se sont alors passées, on n’a qu’à jeter les yeux en automne sur une mare ou sur un réservoir. A cette époque de l’année, les feuilles détachées naturellement et celles que poussent les rafales viennent joncher la surface de l’eau ; elles flottent d’abord, mais bientôt elles deviennent plus lourdes en s’imbibant d’eau et vont successivement s’étaler au fond avec beaucoup de régularité. Au sein des couches consolidées qui les renferment, les feuilles fossiles sont disposées dans le même ordre, c’est-à-dire suivant un plan horizontal et non pas roulées en désordre, comme elles le seraient, si c’était un courant rapide qui les eût apportées. Les organes des végétaux se décomposent promptement au fond de nos mares et de nos bassins, où ils se confondent avec la vase ; mais il n’en serait pas de même, si une couche, quelque mince qu’on la suppose, d’un limon argileux venait les recouvrir et les soustraire aux causes d’altération qui les atteignent d’ordinaire. Sous l’abri protecteur d’un lit de sédiment imperméable, ces organes changeraient lentement de couleur et de consistance pour passer enfin à l’état de résidu charbonneux et laisser après