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une presse affranchie des mesquines entraves du fisc, tels sont les défauts de la loi que le corps législatif est en train de voter. Ils nous déplaisent, mais ils ne nous rebutent point, car nous sommes convaincus que les difficultés de cette combinaison peu cohérente frapperont à l’usage le gouvernement lui-même, et que la presse aura l’habileté de les faire tourner à son profit par sa modération et sa fermeté patiente. Mais autour et au-dessous des antagonismes d’opinions qui se manifestent dans un débat aussi complexe que celui-ci il y a autre chose que les argumens mis en avant sur les points de détail par les orateurs de l’une et de l’autre école : il y a une situation politique générale dont il est utile d’observer et de signaler les tendances contradictoires.

Le drame, il faut avoir la franchise d’en convenir, a été et réside moins dans les luttes d’éloquence qui ont vivement passionné le public et amené d’étranges incidens que dans les sphères du pouvoir et de la majorité gouvernementale. Dans la lutte publique, la tâche de l’opposition a été simple et nette : les orateurs de l’opposition avaient en mainte défense des principes, des traditions, des expériences de la révolution ; ils l’ont soutenue avec un éclat de talent, avec une persévérance imperturbable. Par eux, nos fastes parlementaires ont été enrichis d’une de leurs pages les plus glorieuses. Il ne faut pas se lasser de répéter les mêmes noms, puisque ceux qui les honorent ne se sont point lassés dans l’accomplissement du devoir ; ce sont toujours M. Thiers, M. Jules Favre, M. Berryer, M. Picard, M. Jules Simon, M. Emile Ollivier, etc., les moteurs des amendemens utiles comme MM. Lanjuinais, de Janzé, Brame, Latour-Dumoulin. Les anciens ont montré peut-être encore plus de vaillance et de mâle vigueur que les jeunes. Leur rôle, nous le répétons, était simple : ils ont dévoilé toutes les amphibologies de la loi, ils ont poussé à bout toutes les équivoques, ils ont vengé la logique de notre langue des atteintes dirigées contre elle dans les formules légales qu’on leur donnait à combattre. Cependant l’esprit de la lutte n’était point précisément dans ce qui a été dit, il était dans ce dont on n’a point parlé. Au fond, ce qui s’agitait dans ces chaudes escarmouches, c’était la question de savoir si le gouvernement abandonnerait la loi ou la maintiendrait, s’il reculerait ou s’il persisterait à marcher en avants Après une crise que tout le monde a connue, c’est le dernier parti que le gouvernement a su prendre.

Celui qui a eu ostensiblement l’honneur de personnifier en lui la résolution de marcher en avant est M. Rouher. M. Rouher, après l’empereur, a tranché la question. On doit attribuer à la pensée impériale des grâces d’état supérieures aux lumières de ses conseillers. Le devoir de conscience d’un chef de gouvernement est d’équilibrer sans cesse la situation du dedans avec la situation du dehors, de mettre en harmonie le présent avec l’avenir. Ce devoir austère, qui doit être le stimulant des