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de meilleures bases l’indépendance intégrale et l’autorité du juge : la maigreur des conditions de notre organisation judiciaire rend possibles dans certaines couches l’ambition de l’avancement et les docilités qu’elle inspire ; mais, Dieu merci, les tentations ambitieuses pour nos magistrats s’arrêtent de bonne heure, elles ne peuvent les séparer de l’intelligence et du sentiment général de l’ensemble des citoyens. Un pouvoir exécutif qui ne serait point tolérant aurait tout à craindre d’un conflit avec la magistrature. Le libéralisme modéré n’a rien à en redouter et peut avoir confiance en elle.

Parmi les questions demeurées encore indécises, il en est une que le gouvernement et la commission de la chambre tiennent encore en suspens : celle-ci n’est en apparence qu’une petite question fiscale ; mais, suivant la façon dont elle sera résolue, elle peut avoir des conséquences d’une vaste importance. Le timbre de dimension imposé aux journaux ne rapporte au trésor que quelques millions. Ce timbre est donc d’un intérêt presque nul pour le revenu public ; mais il a le funeste effet de maintenir la presse française ; considérée comme instrument d’information et d’instruction pour le public, dans un état regrettable d’infériorité par rapport aux grandes presses étrangères. La publicité française ne sert que d’intermédiaire à la transmission du produit du timbre du public au trésor ; le véritable contribuable est l’acheteur, l’abonné, le lecteur du journal. Le timbre est ainsi un impôt sur la lecture, une taxe sur le produit le plus efficace de l’instruction populaire. Plusieurs conséquences énormes, matérielles et morales, sortent pour nous de cet état de choses. Nos journaux, comprimés par l’entrave du timbre de dimension, ne peuvent rendre au public français les services d’information que donnent aux Anglais et aux Américains les feuilles politiques. Ils sont condamnés à ne remplir qu’un nombre déterminé de décimètres carrés de papier auxquels est fixé le taux du timbre, et le service de la poste étant forcé, de première nécessité, la taxe postale est proportionnelle au poids du papier. Avec les concessions qu’ils sont obligés de faire à la publicité des annonces, indispensable à leur existence, les journaux français, s’ils voulaient, et ce serait leur intérêt et leur devoir, s’élever et élever leur public au niveau de l’Angleterre et des États-Unis, devraient doubler leur format actuel. Qu’on y songe ! Au point de vue des intérêts de l’information publique, la presse occupe à notre époque une place principale parmi les agens si puissans qui rapprochent non-seulement les intérêts matériels, mais les intérêts moraux. Dans un temps de chemins de fer, de compagnies maritimes, de télégraphie électrique, il est absurde d’arrêter par une fiscalité misérable l’accroissement naturel du format des journaux. Il y a aussi une distinction établie pour le timbre qui répugne non-seulement aux principes absolus de l’égalité française, mais à la logique. Tandis que les journaux qui s’occupent de politique et d’économie