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ce Discours sur les passions de l’amour, inspiration d’un cœur palpitant, œuvre charmante pleine de jeunesse, de feu, d’éloquence et de vie.

Celui qui dans sa solitude a pu écrire ces pages, destinées sans doute à une femme qui ne les a jamais connues, celui-là avait dû ressentir profondément ce qu’il écrivait. Le secret est une preuve de plus. Quel homme d’ailleurs s’est prêté moins que l’auteur des Pensées à ces frivoles artifices de l’éloquence ? Ce n’est pas encore, il est vrai, le Pascal qui va venir avec ses mélancolies et ses désespoirs ; c’est déjà du moins ce même génie impétueux et fier, c’est la même imagination échauffée par une passion tout humaine, et c’est évidemment en lui-même, dans l’intimité d’un sentiment inavoué, que Pascal trouve le secret de cet idéal qu’il se trace, que tout le monde rêve et que personne n’atteint. « Qu’une vie est heureuse quand elle commence par l’amour et qu’elle finit par l’ambition ! Si j’avais à en choisir une, je prendrais celle-là. Tant que l’on a du feu, l’on est aimable ; mais le feu s’éteint, il se perd : alors que la place est belle et grande pour l’ambition !… » Pascal a tous les effrois, toutes les délicatesses, toutes les exaltations et les subtilités pénétrantes de l’amour.

C’est à lui-même qu’il songe sans doute lorsqu’il dit : « Les grandes âmes ne sont pas celles qui aiment le plus souvent ; c’est d’un amour violent que je parle. Il faut une inondation de passion pour les ébranler et pour les remplir ; mais quand elles commencent à aimer, elles aiment beaucoup mieux… » Et c’est lui-même qu’il peint, c’est peut-être son histoire qu’il raconte en ajoutant : « Le plaisir d’aimer sans l’oser dire a ses peines, mais il a aussi ses douceurs. Dans quel transport n’est-on point de former toutes ses actions dans la vue de plaire à une personne que l’on estime infiniment ! L’on s’étudie tous les jours pour trouver les moyens de se découvrir, et l’on y emploie autant de temps que si l’on devait entretenir celle que l’on aime. Les yeux s’allument et s’éteignent dans un même moment, et, quoique l’on ne voie pas manifestement que celle qui cause tout ce désordre y prenne garde, l’on a néanmoins la satisfaction de sentir tous ces remuemens pour une personne qui le mérite si bien… » Et comme il s’entend à saisir, à analyser avec un sentiment vrai, à fixer d’un trait aussi juste que fin tous ces délicats mystères, toutes ces nuances fugitives de la passion ! Ce que le cœur sent, ce que l’observation recueille, l’imagination le décrit avec grâce dans une série de pensées ingénieuses ou profondes « L’amour donne de l’esprit, il se soutient par l’esprit. Il faut de l’adresse pour aimer. L’on épuise tous les jours les manières de plaire. Cependant il faut plaire, et l’on plaît. — Tant plus le