Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

électorales. Si vaine que fût cette profession de fidélité à une cause désespérée, elle n’était pas sans grandeur, car des onze cents gentilshommes qui la souscrivirent la plupart lui ont rendu témoignage en la scellant de leur sang sur le champ de bataille ou sur l’échafaud.

La victoire du droit moderne devenue irrévocable, il ne restait plus à la vieille Bretagne qu’à se résigner à sa fortune et à tomber dignement. Si sa noblesse se donna le tort grave de ne point envoyer de députés au secours de la monarchie en détresse, un concours de circonstances inattendues ménagea du moins à son parlement des funérailles magnifiques. Par deux arrêts consécutifs[1], cette cour souveraine s’était approprié toutes les résolutions prises à Saint-Brieuc, après les avoir chaleureusement défendues dans un long mémoire au roi. Depuis l’ouverture de l’assemblée nationale, son attitude avait impliqué une sorte de protestation tacite contre des décisions inapplicables à la situation particulière de la province, telle qu’elle persistait à la comprendre. Le 23 novembre 1789, la constituante avait décrété la suspension indéfinie de tous les parlemens du royaume, et cette mesure, sanctionnée par le roi, avait été notifiée à celui de Rennes. La chambre des vacations, qui siégeait seule à cette époque de l’année, refusa d’enregistrer le décret, et ce refus fut suivi d’un ordre adressé par l’assemblée constituante aux magistrats d’avoir à comparaître à sa barre pour y expliquer leur conduite.

Ceux-ci s’y présentèrent en effet au nombre de douze dans la séance du 9 janvier 1790, et le président de La Houssaye porta la parole en leur nom. Avec une fermeté que rehaussaient sa tête austère et ses cheveux blancs, ce vieux magistrat exposa que la chambre des vacations, investie de pouvoirs restreints et temporaires, avait cru ne pouvoir préjuger aucune des graves questions soulevées par le décret royal du 23 novembre ; puis, abordant le fond même du débat, M. de La Houssaye n’hésita pas à déclarer que sa compagnie déniait à une assemblée dans laquelle la Bretagne n’avait qu’une représentation irrégulière et incomplète le droit d’anéantir une juridiction dont le maintien avait été formellement stipulé par une convention internationale. Rappelant les actes successifs qui avaient réglé les rapports de cette province avec la France depuis Charles VIII, Louis XII et François Ier jusqu’au temps du roi régnant, il mit sous les yeux de l’assemblée le texte des stipulations intégralement rappelées à chaque tenue des états dans le contrat final, stipulations dont la série n’avait pas été interrompue même sous

  1. Arrêts du 22 avril et 8 mai 1789.