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ni d’autre ; il fut en outre décidé que les armes à feu des bourgeois et des étudians seraient placées dans un dépôt public, et que les gentilshommes remettraient les leurs dans la salle des Cordeliers, d’où ils sortirent en conservant seulement leurs épées.

Si cette convention n’avait été signée, pas un noble n’aurait probablement survécu, de nouveaux combattans arrivant de tous côtés pour s’engager dans la lutte avec la double ardeur que leur inspiraient et leur propre jeunesse et la jeunesse de leurs idées. Dès le commencement des troubles, le prévôt de l’école avait expédié à franc étrier. des messages à toutes les villes des environs, et déjà quatre cents Nantais, suivis bientôt d’un nombre à peu près égal de Malouins, étaient aux portes de Rennes. Ce ne fut pas sans une peine extrême que M. de Thiard, malgré la faveur que sa conduite venait de lui concilier dans tous les rangs de la bourgeoisie, parvint à décider les volontaires à déposer les armes avant de pénétrer dans la ville, en acceptant pour leur propre compte les termes de l’arrangement conclu la veille.

Alors en butte à toutes les rigueurs de l’opinion, le parlement paya cher le prix de ces funestes journées. Les troubles étaient à peine terminés, qu’il commença une instruction, dont le cours fut bientôt arrêté par un refus à peu près général de comparaître devant lui et de reconnaître sa juridiction. On maintenait que le parlement avait été l’auteur principal de l’émeute par le concours donné aux pétitionnaires du champ Montmorin, de telle sorte que, s’il connaissait de l’affaire, il serait juge et partie dans sa cause. Le barreau de Rennes, qui avait vécu si longtemps avec la magistrature dans une respectueuse intimité, signa une consultation profondément blessante, dont l’existence seule constatait une révolution déjà moralement consommée. Si durant quelques mois le parlement de Bretagne rendit encore des arrêts, à partir de ce jour son existence politique fut terminée.

Cependant une même pensée dominait le peuple jusque dans ses couches les plus obscures. Le règlement royal du 16 mars 1789 venait de convoquer dans les bailliages tous les citoyens appelés à rédiger les cahiers pour les trois ordres et à choisir leurs représentons aux états-généraux, dont l’ouverture définitive avait été fixée au 5 mai. La population bretonne s’y porta en foule, et les députés du tiers aux états-généraux reçurent de leurs commettans des mandats en tout point semblables à ceux que les représentans de cet ordre avaient naguère portés au sein de l’assemblée provinciale. Le clergé paroissial, étroitement associé à la population rurale, dont il sortait presque tout entier, se rendit de son côté aux comices électoraux avec un entrain que ne parvinrent pas à ralentir les