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L’annonce de leur incarcération mit la Bretagne en feu. Par un mouvement spontané, les neuf bureaux diocésains se réunirent et décidèrent l’envoi à Paris de six délégués par diocèse, choisis en nombre égal dans les trois ordres. Cette députation de 54 membres reçut pour instruction de rédiger un mémoire général à présenter au roi sur les griefs de la province, et de réclamer avec la liberté des détenus bretons la levée générale de toutes les lettres de cachet. Il était prescrit à ces délégués de se rendre dans la capitale par la voie qu’ils estimeraient la plus sûre ; le pouvoir écrit délivré à chacun d’eux portait l’injonction de ne déférer à aucun ordre ministériel de nature à mettre obstacle à l’accomplissement de leur mission, et, dans le cas où l’on tenterait de les arrêter, il les autorisait, après avoir décliné leurs noms et qualités, à repousser au besoin la force par la force, dans la mesure où ils le jugeraient prudent et possible. À cette députation officielle, plusieurs communautés urbaines adjoignirent à leurs propres frais des envoyés spéciaux, chargés d’appuyer à Paris les délégués des trois ordres, d’entretenir avec les corps de ville auxquels ils appartenaient une. correspondance politique, qui prit vers la fin de 1788 une forme régulière et exerça sur l’opinion une influence considérable. Le duc de Penthièvre fit le meilleur accueil aux membres de la grande députation, tous réunis à Paris dans le courant du mois d’août ; mais la bienveillance de ce prince ne les aurait point empêchés de subir le sort de leurs prédécesseurs, si le cabinet de M. de Brienne n’était enfin tombé sous la réprobation publique, et si ce ministre n’avait lui-même à sa dernière heure évoqué les états-généraux. M. Necker fut reporté aux affaires par la puissance de l’opinion, dont ce ministre n’était lui-même qu’un instrument passager, et l’un des premiers gages qu’il lui donna fut la réintégration des parlemens et la mise en liberté des prisonniers bretons.

En 1788, la Bretagne partageait avec le Dauphiné la sympathique attention de la France. Si opposés que fussent au fond les sentimens et les vues dont s’inspiraient les notabilités de ces deux provinces, l’éclat et la fermeté de leur résistance au pouvoir absolu les avaient enveloppées jusqu’alors dans une sorte de popularité commune. Cette popularité se révéla le 24 septembre 1788 à