Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglais n’est-il pas préférable ? Quand un voyageur monte en wagon, il prend, moyennant 3 pence, un ticket d’assurance qui donne droit à ses héritiers, en cas de mort, à une somme de 1,000 livres sterling ; les diverses avaries auxquelles un voyageur est exposé en chemin de fer sont cotées selon la gravité et représentées par des sommes proportionnelles. De cette façon, tout se passe librement, par un contrat spontanément consenti et à l’abri de l’intervention toujours pénible de la justice ; mais de tels moyens sont trop simples et trop pratiques pour être adoptés en France, où le parti excellent qu’on peut, en toutes choses, tirer des compagnies d’assurances est à peine soupçonné.

Un crime, celui qui a fait périr M. Poinsot sous les coups de l’insaisissable Jude, a causé aussi une profonde émotion. Tout de suite on a réclamé pour les voyageurs le droit de pouvoir au besoin faire arrêter le convoi. Cela est absolument inadmissible. Il ne faut jamais accorder à une seule personne, fût-elle en danger de mort, le privilège exorbitant de mettre en péril, et en péril très grave, toutes les personnes qui font partie d’un train. En effet, sur les voies, les trains se suivent à intervalles souvent très rapprochés ; réglementairement dix minutes au moins doivent les séparer les uns des autres, mais il suffit parfois d’un léger ralentissement d’une part et d’une faible accélération de l’autre pour que l’équilibre de la distance soit rompu. Dans ces circonstances, si le premier convoi s’arrête, il a de grandes chances pour être rattrapé par celui qui le suit, et pour recevoir ce que l’on appelle un coup de tampon, c’est-à-dire pour être brisé par un choc irrésistible. Confier un tel pouvoir avec toutes les conséquences qu’il entraîne à chaque voyageur, c’est centupler immédiatement la somme des accidens qu’on enregistre chaque année. Il faut trouver un moyen pratique de, mettre les voyageurs en rapport direct et facile avec les conducteurs, établir entre les compartimens des voitures une communication, soit par une ouverture, soit à l’aide d’une glace sans tain ; mais il faut surtout réfléchir que, pendant une période de trente années ; il ne s’est commis qu’un seul crime dans un wagon en marche, qu’on assassine partout, dans les maisons, dans les rues, sur les promenades publiques, dans les théâtres, et qu’il ne faut jamais conclure de l’exception à la généralité.

Ce qu’on est en droit d’exiger des compagnies, c’est qu’au fur et à mesure qu’elles renouvellent leur matériel roulant, elles lui donnent les qualités de comfortable et de bien-être qui manquent encore sur beaucoup de lignes, et dont cependant les rail-ways étrangers nous offrent l’exemple depuis longtemps. On peut leur demander aussi que la complaisance des employés pour les