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avec un soin extrême ; forts, vigoureux, à large poitrail, à jambes irréprochables, ils ont fait de tout temps l’admiration des maquignons. On peut dire que la compagnie de l’Ouest a trouvé, sinon créé, le type modèle du cheval d’omnibus[1]. Ces chevaux fournissent une longue et très utile carrière ; quand ils ne sont plus aptes à traîner rapidement et sûrement les voitures réservées aux voyageurs, on les fait entrer dans le factage, ensuite on les attelle aux camions, et enfin, quand ils sont épuisés et vieux, on les réduit à ces charrois faciles qu’exige l’exploitation intérieure de toute gare de marchandises.


IV

En échange des concessions faites aux compagnies, l’état leur impose un cahier des charges, dont la rigoureuse exécution est surveillée par un commissaire spécial. Ce cahier fixe la direction, la largeur de la voie, le nombre des stations, détermine le nombre de wagons qui composent un train[2], le prix par tête, par kilomètre, par kilogramme, des voyageurs, des bagages, des valeurs d’or et d’argent, des marchandises. De plus il frappe les compagnies de certaines obligations en faveur des services publics : gratuité de transport des bureaux ambulans de la poste et des voitures cellulaires, réduction des trois quarts pour les militaires ou les marins voyageant isolément ou en corps. Cette dernière mesure, parfaitement juste en elle-même, donne lieu à un abus qu’il est bon de signaler, car il est fréquent. Qu’un soldat, quel que soit son grade, voyageant en uniforme pour affaire de service, soit exempté, sur la simple exhibition de sa feuille de route, de la majeure partie des frais de transport, rien de mieux ; mais qu’un général, un haut fonctionnaire des ministères de la guerre ou de la marine, voyageant en bourgeois, pour son plaisir, puisse à l’aide d’une feuille de congé délivrée par complaisance jouir des mêmes avantages, cela est absolument hors de l’équité qui a présidé à la rédaction du cahier des charges. C’est dépasser de beaucoup l’esprit de la convention acceptée, et c’est grever les chemins de fer d’une sorte d’impôt additionnel que rien ne justifie. Les compagnies subissent

  1. C’est aussi la compagnie de l’Ouest qui la première a, sur les omnibus, abrité les voyageurs d’impériale par une tente en toile cirée, et leur a permis de gagner leur place à l’aide d’un escalier à rampe, supérieur, sous le double rapport de la facilité et de la sécurité, aux marchepieds superposés dont on garde encore l’usage dans d’autres entreprises.
  2. Au maximum 50 pour les trains de marchandises, 24 pour les trains de voyageurs, 30 pour les trains portant des troupes (cependant la compagnie de Paris-Lyon a obtenu en 1859, un jour d’urgence, l’autorisation d’attacher 35 voitures à la même locomotive).