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guérit cependant et s’occupa aussitôt, aidé de quelques amis dévoués, de la publication de ses premières recherches, demeurées jusqu’alors inédites. On y voit la marche qu’il a suivie pour arriver à ses découvertes, les tâtonnemens quelquefois pénibles par lesquels il a passé ; on voit que si plus tard, brûlant ses vaisseaux, il s’efforça de rendre la géométrie indépendante de l’analyse algébrique en la fondant sur une sorte d’intuition, il était cependant arrivé à ses premières découvertes par le chemin de l’analyse. La publication d’une nouvelle édition de son Traité des propriétés projectives des figures, enrichie de notes dans lesquelles il continuait de donner cours à ses rancunes de géomètre méconnu, occupa les dernières années de cette vie si bien remplie. Il était atteint d’un mal sans remède, et cependant jusqu’au dernier moment la douleur physique n’eut pas raison de sa volonté toujours ferme, de sa pensée toujours lucide ; il s’éteignit doucement le 23 décembre 1867 sans avoir cessé de jouir pleinement de toutes ses facultés. La France a perdu dans le général Poncelet un homme de bien et un homme supérieur, modèle de franchise et de droiture, savant de premier ordre et soldat accompli.


R. RADAU.



Tactique navale, par M. le vice-amiral comte de Gueydon.


La marine, bien qu’à un point de vue spécial, occupe en France une grande place dans les préoccupations intelligentes du public. Sans être un peuple essentiellement marin, nous avons cinq cents lieues de rivages baignés par la mer, et le bruit du flot qui bat nos côtes nous arrive souvent à l’intérieur des terres avec une poésie qui nous émeut. La France a son histoire maritime, alternée de succès et d’illustres revers. La tactique navale, à toutes les époques, a tenté et sollicité les études et les recherches des officiers de marine les plus remarquables et les plus instruits. Elle ne saurait cependant se formuler d’une façon absolue, car aucun système n’inspire les résolutions suprêmes qui font gagner les batailles ; mais, comme le dit M. le vice-amiral de Gueydon dans l’avant-propos de son livre, si la tactique ne supplée pas au génie du chef et à ses illuminations soudaines, elle n’en est pas moins l’indispensable instrument qu’il a dès longtemps façonné à son usage.

C’est dans cet ordre d’idées que M. de Gueydon a cherché à définir les principes sur lesquels reposent nécessairement les mouvemens des navires quels qu’ils soient. La rapidité en même temps que la régularité d’allures des bâtimens qui sont subordonnés à un vaisseau amiral une fois assurées, la manœuvre d’une escadre n’est plus en quelque sorte pour le commandant en chef que celle d’un seul bâtiment qu’il dirigerait à son gré, selon ses inspirations. Les évolutions des anciens navires à voiles trouvaient dans la force même du vent, constante pour tous, un élément avec lequel ils pouvaient compter, et ils n’avaient par