Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/1058

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

instant des données fournies par l’expérience, est d’un secours inestimable pour hâter les progrès de l’industrie.

En présence de tant de services rendus et d’une si haute valeur scientifique, on peut s’étonner de voir M. Poncelet si lentement avancer en grade. Il était resté dix-sept ans capitaine et dix ans chef de bataillon ; ce n’est qu’en 1841 qu’il fut nommé lieutenant-colonel. Juste et généreux lui-même, il n’avait pensé qu’à faire son devoir, laissant à d’autres le soin d’examiner ses droits. Comme il ne demandait rien, on l’oubliait. La révolution de février le trouva simple colonel et sur le point d’être mis à la retraite. Arago, devenu ministre de la guerre, s’empressa de lui rendre justice ; il le nomma général de brigade et l’appela peu de jours après au commandement supérieur de l’École polytechnique. La fermeté du général contint cette bouillante jeunesse pendant les terribles journées de juin ; il la mit sous les armes et la conduisit à travers les barricades jusqu’au palais du Luxembourg, où le bataillon de l’école devint la garde d’honneur du gouvernement. Il faisait aussi partie de l’assemblée constituante, et le suffrage populaire qui l’avait appelé à ces fonctions était d’autant plus flatteur qu’il avait été plus spontané. M. Poncelet vota avec le parti démocratique modéré, et il ne fut pas réélu à l’assemblée législative. Pendant les derniers jours de juin, le général Cavaignac lui confia le commandement des gardes nationales de la Seine, qu’il ne remît aux mains du général Perrot que lorsque le calme, enfin rétabli, eut permis de renvoyer dans les départemens les milices venues au secours de la capitale menacée. Ce court épisode de sa vie politique montra sous un jour brillant les qualités qui le distinguaient, une fermeté à toute épreuve et une loyauté qui ne se démentit jamais. Il resta commandant en chef de l’École polytechnique jusqu’en 1850, s’occupa avec énergie des réformes que réclamait depuis longtemps l’enseignement de cet établissement national, et ne quitta ce poste que lorsque son âge avancé amena pour lui l’heure de la retraite.

En 1851, le général Poncelet présida le jury de la classe des machines et outils à l’exposition universelle de Londres. Chargé de faire, au nom de la commission française,. le rapport historique sur les progrès des inventions mécaniques depuis l’origine des brevets, il employa sept ans à ce travail de bénédictin, dont il s’acquitta avec une conscience au-dessus de tout éloge. Pour acquérir une connaissance approfondie de son sujet, il entreprit une tournée d’exploration dans les filatures de soie, de lin et de chanvre de la France ; il étudia les collections de patentes des différens pays afin de remonter de titre en titre au véritable auteur de chaque invention et de chaque perfectionnement, et ne négligea rien de ce qui pouvait élever son travail à la hauteur d’un monument historique. A peine les deux volumes, fruit de tant de labeur, avaient-ils paru, que M. Poncelet tomba gravement malade. Longtemps les médecins désespérèrent de le sauver : il avait soixante-dix ans. Il