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propositions se sont succédé depuis quelque temps, surtout depuis que le fenianisme est venu mettre l’Angleterre dans l’obligation de s’armer contre une agitation permanente. Aux mesures de rigueur on a voulu ajouter les mesures de conciliation. Des motions, des lois, ont été présentées sur les fermages, sur les écoles. Le gouvernement lui-même n’était pas éloigné d’admettre une certaine égalité entre l’église catholique et l’église protestante ; il offrait la création d’une université catholique, il cherchait, en un mot, sans aborder de front la difficulté, lorsque la question s’est resserrée tout à coup. C’est M. Gladstone qui a donné le signal de cette nouvelle campagne parlementaire par une motion tendant simplement à la suppression de l’église protestante comme église d’état en Irlande, et c’est surtout M. Disraeli qui a porté le poids de la lutte au nom du cabinet. Lord Stanley est intervenu un instant pour essayer de suspendre le combat en proposant par un amendement de renvoyer la question au futur parlement, et, à vrai dire, ce n’était pas une simple tactique ; il y avait bien quelque raison à ne pas vouloir laisser la solution d’un tel problème à un parlement « moribond, » comme on l’a nommé, en présence d’élections prochaines qui doivent s’accomplir sous le régime infiniment plus large du nouveau bill de réforme. L’amendement de lord Stanley n’a pas moins été repoussé, et malgré tous les efforts du cabinet c’est la motion de M. Gladstone qui l’a emporté à une assez grande majorité.

Il y a deux choses dans ce dernier épisode de la vie publique de l’Angleterre. Il y a d’abord sans nul doute une question ministérielle, une question de tactique parlementaire. Que M. Gladstone, en présentant sa motion, ne se soit pas proposé uniquement le triomphe d’une idée libérale et juste, qu’il ait voulu aussi relever son parti du désarroi où l’avait laissé le vote du bill de réforme et battre en brèche le ministère au lendemain de sa reconstitution, c’est ce qu’il est facile de croire. Il n’avait peut-être pas l’espoir d’un succès aussi complet pour sa motion, il n’était pas pressé de remplacer au pouvoir le cabinet tory ; mais il voulait l’affaiblir, et il a réussi jusqu’à un certain point. Il a réussi de deux façons, en mettant le ministère en minorité dans la chambre des communes, et en provoquant un débat qui a laissé voir une certaine confusion entre les membres du cabinet. Il est évident qu’entre le ministre des affaires étrangères, lord Stanley, le ministre de l’intérieur, M. Gawthorne Hardy, et le premier ministre lui-même, il y a eu des dissonances. M. Disraeli n’est pas homme néanmoins à se laisser désarçonner si vite, et le vote qui a été une défaite pour lui ne paraît pas avoir troublé sa confiante et sceptique sérénité. Il aurait eu recours probablement à une dissolution du parlement qu’il avait laissé entrevoir comme une menace ; mais le travail de réorganisation des districts électoraux d’après le nouveau bill de réforme n’est point achevé, et les élections sont impossibles pour