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Hélas ! dans ces momens secrets
Où leur désespoir les rassemble,
Que de pleurs à confondre ensemble,
De doléances, de regrets !

Et pourtant dans leur conscience
Tout n’est-il pas honnête au fond ?
N’ont-ils pas fait tout ce qu’ils font
Selon leur âme et leur science ?

Dieu les a mis là ; de leur mieux
Ils ont régné sur cette terre
Où c’est leur droit héréditaire
De régner comme leurs aïeux.

Ils ont eu le ménage aulique :
Des chambellans et des valets ;
Ils ont habité des palais,
Pratiqué la foi catholique.

Lui, charitable, humain et doux,
Accessible aux gens, débonnaire,
Homme excellent, homme ordinaire,
Amant tardif, dévot époux !

Vertueux, obèse et sublime
Comme un bourgeois de Diderot ;
Chassant beaucoup et dormant trop,
Roi faible, héroïque victime !

Elle, la fille des césars,
Et d’une mère illustre née,
Presque enfant chez nous amenée,
Ouverte aux plaisirs, aux beaux-arts,

Ne haïssant point les scandales,
Adorable, et donnant le ton
Sous la cornette de Marton
Ou les fleurs de lis féodales !

Gourant les bals de l’Opéra
En fiacre, comme une bourgeoise,
Et riant, joyeuse et narquoise,
Au nez de ce qu’on en dira !

En ses gaîtés, en sa colère,
En son visage, en ses atours,