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Et s’il reste une épée encore
Entre les mains de ce grand roi,
C’est qu’on a mis dessus : « la loi, »
La loi ! de peur qu’il n’en ignore[1] !


IV


Mais elle, qui n’a point au cœur
Ce pauvre sang qui dort et gèle,
Bondit sous la main qui flagelle,
Et montre les dents au vainqueur.

Le fouet du belluaire indigne
Trouve la lionne qui mord ;
Elle aura plus tard, dans sa mort,
Le courage qui se résigne ;

En attendant, sa haine bout,
Apre, féroce, souveraine ;
C’est bien l’archiduchesse-reine
Qui pleure et qui mourra debout.

Tantôt en peignoir blanc, sa gorge
Demi-nue, et tout en émoi,
Comme il battait son fer, le roi
L’a vue apparaître en sa forge.

La colère la dévorait ;
Son œil brillait sinistre et glauque.
« Eh bien ! sire, — d’une voix rauque
A-t-elle dit, — on sait l’arrêt !

« Ils l’ont acquitté, cet infâme !
Ce Rohan, ce traître, acquitté ! »
Et le brave homme a tout quitté,
Tout, pour pleurer avec sa femme !

  1. Je conseille aux inexorables, à ceux qui se ferment les yeux devant les sentimentalités de l’histoire, d’aller voir à Versailles, dans l’attique du nord, un certain tableau de Carteaux, le seul, je crois, qui existe de cet homme, peintre aussi médiocre que mauvais général d’armée. Comme peinture, c’est détestable ; mais quelle compassion ! Louis XVI est représenté à cheval, dans cette attitude militairement empanachée du Bonaparte de David franchissant les Alpes. A la devise de son épée, sur laquelle ce mot « la loi » éclate en majuscules, répond, comme un autre signe de déchéance, un énorme champignon tricolore sous lequel disparait son chapeau. Cette parade du commandement dans la flagellation, cette victime brandissant son roseau comme Henri IV faisait de son épée, c’est grotesque et c’est horrible.