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introduit ce système en Angleterre, lorsque la reine Elisabeth les y appela pour exploiter les mines de Newcastle. C’est là du moins qu’en 1676 on constate d’une façon certaine l’emploi dans les houillères anglaises des premiers chemins de bois. Un siècle plus tard, en 1776, l’ingénieur Cun, voyant les traverses de bois s’user rapidement au pesant contact des roues, imagina de les remplacer par des bandes de fer qu’il nomma rails. Ces rails, d’abord plats, n’offraient pas une grande solidité ; on les modifia, et, sauf des détails peu importans, on les façonna tels que nous les voyons encore aujourd’hui ; la roue qui devait les parcourir était munie d’un ourlet extérieur débordant qui l’empêchait de dévier. En somme, la voie était trouvée. On hésitait entre la fonte et le fer, et il fallut qu’en 1820 John Birkinshaw découvrît l’art de laminer les rails de fer pour que ces derniers fussent définitivement adoptés.

Restait le moteur à découvrir, et ce ne fut pas l’affaire d’un jo A. cette époque, les wagons étaient traînés par des chevaux comme sur le chemin de fer dit américain qui va de la place de la Concorde à Sèvres. Le premier homme qui tenta d’appliquer la valeur à la traction des voitures sur les routes ordinaires fut un officier du génie nommé Gugnot, qui fit différens essais à Paris en 1769, et construisit même une machine ingénieuse que l’on peut voir exposée dans l’une des salles du Conservatoire des Arts et Métiers. Destinée au transport des grosses pièces d’artillerie, elle fut expérimentée en présence de MM. de Choiseul et de Gribeauval. Asthmatique et manquant de souffle, elle s’arrêtait fréquemment ; mal pondérée, elle donnait des à-coups inattendus et défonça un des murs de l’Arsenal. Bref, elle ne fut jamais que ce qu’elle est encore, un objet de curiosité. James Watt, le véritable inventeur de la machine à vapeur, c’est-à-dire celui qui la rendit pratique, apporta dans la construction des perfectionnemens dont chacun profita, et dès 1804 une locomotive construite par Trewithick et Vivian fut attelée à des wagons sur un chemin de fer des mines de Newcastle ; elle avait la vitesse d’un cheval de roulage, et le foyer était activé à l’aide de soufflets mis en jeu par les mouvemens mêmes de la machine. Tout cela était embryonnaire. On était parti d’une théorie fausse, qui longtemps paralysa les essais. On croyait que la pesanteur de la locomotive l’immobiliserait et la forcerait à tourner sur place. Pour remédier à cet inconvénient imaginaire, Blenkinsop inventa des roues dentelées, et Brunton alla jusqu’à armer sa locomotive de deux béquilles de fer qui s’élevaient et s’abaissaient à chaque tour de roues. Ce fut en 1813 seulement qu’on revint de cette erreur, grâce aux expériences faites avec succès par Blackett, et l’on reconnut que, si le poids de la