Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/1018

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

produit d’abord un engourdissement de la vie et enfin la mort ; ce qui reste après, ce sont les matériaux que la chaleur vitale avait rassemblés et modelés, et qui dès ce moment retournent à leurs similaires et rentrent dans le vaste corps des choses inanimées. D’un autre côté, la vie est aussi la condition de la chaleur dans les animaux, car un animal frappé de mort se refroidit par degrés et ne diffère plus de la terre et des eaux dont son corps avait été formé. Nous dirions aujourd’hui que, quand deux choses sont réciproquement la cause l’une de l’autre, cela revient à dire qu’elles sont identiques. Le feu, qui est le moteur des choses inorganisées, est donc aussi l’agent de ces mouvemens d’une nature particulière qu’on appelle la vie.

Remarquons toutefois que l’idée se complique à mesure que l’ordre des faits observés s’élève. Le feu s’introduit dans les animaux et y entretient la vie de plusieurs manières, directement en s’échappant du soleil et en se répandant sur eux, indirectement avec les alimens dont ils se nourrissent et qui déjà le contiennent, enfin par le vent qu’ils respirent. Privés d’alimens ou suffoqués, les animaux se refroidissent et meurent. Il en est de même des végétaux. La vie n’existe donc et ne se perpétue sur la terre qu’à trois conditions, c’est que le feu pénètre les corps sous ses trois formes, dont une réside dans les rayons du soleil, une autre dans les alimens ignés et la troisième dans la respiration, qui est l’air renouvelé par le mouvement. Or ces deux dernières procèdent chacune à sa manière du soleil (sûrya) ; son feu céleste est donc le moteur universel et le père de la vie : celui qu’il engendra le premier, c’est le feu d’ici-bas (agni), né de ses rayons, et son second coopérateur éternel est l’air mis en mouvement, qu’on appelle aussi le vent ou l’esprit (vâyu).

Les choses que nous exposons ici dans un langage qui tient le milieu entre celui de la poésie et celui de la science sont d’une simplicité extrême et intelligibles pour des enfans. Ce qui suit ne demande pas non plus des connaissances bien profondes pour être compris ; une vue générale de la nature a suffi aux hommes d’autrefois pour le concevoir. Nulle part la pensée ne se manifeste sans la vie. De plus elle ne se voit que chez les êtres où la vie se rencontre à un degré supérieur d’énergie, chez les animaux. Or, quand un animal est atteint par la mort, ses membres fléchissent, il tombe à terre, devient immobile, perd la respiration et la chaleur ; avec sa vie, sa pensée se dérobe. Si c’est un homme, tous ses sens étant anéantis, il n’est plus possible de tirer de sa bouche pâle et glacée aucune parole, de sa poitrine affaissée aucun son exprimant la joie ou la douleur ; sa main ne presse plus celle que lui tend un ami, un