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Il y a donc dans les religions une idée fondamentale qu’il faut avoir sans cesse présente à l’esprit quand on parcourt les faits constatés par la linguistique et par l’archéologie, car c’est cette idée qui donner à l’interprétation des faits. La science cesse alors d’être une pure analyse et prend sa place dans l’ordre des sciences physiologiques. Cette idée, qui répond, comme je le disais tout à l’heure, à celle de la vie dans la physiologie animale et végétale, n’est plus aujourd’hui un mystère. Elle peut se lire énoncée cent fois en termes simples et sans formules symboliques dans le Vêda ; puis, une fois qu’on l’y a saisie, on la retrouve partout dans les religions des temps postérieurs : elle y anime les cérémonies du culte, se cache sous les symboles, donne aux expressions dogmatiques leur sens, leur portée et leur unité, s’épanouit enfin en doctrines morales, en pratiques et en conséquences de toute sorte dont le génie des peuples et la nature des milieux suffisent pour expliquer la diversité. C’est cette idée que nous allons exposer. Quand la science qui la dégage par l’analyse sera plus avancée qu’elle ne l’est aujourd’hui, on verra les dogmes, les rites et les créations religieuses idéales se coordonner à sa suite, ou plutôt se produire tour à tour sous son action permanente et suivant les lois que les analyses auront constatées. Seulement ces lois cesseront d’être abstraites et tiendront leur place dans le développement réel et non interrompu de l’humanité. Cette partie synthétique de la science n’est point faite, elle n’est pas même tentée. C’est pourquoi nous nous bornons a constater le point où elle en est aujourd’hui. L’exposition que nous allons faire du principe physiologique des religions sera nécessairement plus abstraite qu’il ne l’est dans les différens cultes et surtout dans les plus anciens ; mais elle ne le sera pas plus qu’il ne l’est dans les religions les plus récentes, par exemple dans le christianisme. Or notre exposition doit s’appliquer aussi bien aux religions modernes qu’à celles d’autrefois. Du reste l’idée a de bonne heure acquis dans l’Inde et la Perse et déjà même dans le Vêda un haut degré de généralité qui nous permet de parler nous-mêmes en termes très généraux.

Trois phénomènes ont frappé l’intelligence des Aryas dès le temps où ils n’habitaient encore que les vallées de l’Oxus : ce sont le mouvement, la vie et la pensée. Ces trois choses, prises dans toute leur étendue, embrassent tous les phénomènes naturels sans exception de sorte que, si l’on découvrait un principe qui les expliquât, ce principe devait donner à lui seul l’explication universelle des choses. Il faut seulement observer que la première condition à remplir était que ce principe fût une force réelle et non une abstraction, puisque les faits appartiennent tous à la réalité.