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religion moderne, il peut l’être dans les mêmes termes pour celle qui est venue la première dans l’ordre des temps. On n’a découvert aucune raison de penser que celle-ci ait été apportée sur terre par un coup inopiné d’une puissance suprême. Au contraire, toutes les recherches méthodiques faites de nos jours ont abouti par des chemins convergens vers un centre asiatique commun d’où les grandes religions au moins sont sorties. Un monument écrit plus antique que tous les autres est entre nos mains, qui tient de très près à ce centre et peut être considéré comme exprimant la pensée des hommes qui l’habitaient avant que les cultes de même nature eussent pris naissance ailleurs. Ce monument, c’est le Vêda. Les hymnes dont il est composé énoncent explicitement la doctrine fondamentale qui se perpétue à travers les siècles, et ils affirment en termes non ambigus que le culte, les symboles, les rites et enfin les dieux sont l’œuvre des hommes ; ils racontent la manière dont chacun d’eux a été conçu, le but pour lequel il a été créé, la pensée qu’il représente, le phénomène physique ou moral auquel il correspond. Il est difficile devant des affirmations à la fois si claires et si sincères de croire que les auteurs de ces hymnes aient voulu faire illusion à ceux qui les écoutaient, puisque cette illusion eût tourné au détriment de leur puissance sacerdotale. D’ailleurs ces prêtres ne formaient point encore une caste ni même une corporation, c’étaient des pères de famille officiant devant un autel domestique et composant des chants pieux pour leur femme, leurs enfans et leurs serviteurs. Leur intérêt était de parler clairement et d’être compris, afin que les enfans, devenus à leur tour pères de famille et pontifes, pussent perpétuer la tradition sainte et apporter de semblables chants au festin sacré.


II

Une même loi préside donc à la naissance, à l’accroissement et à la destruction de toutes les religions, et cette loi peut s’exprimer sous une forme géométrique. Nous n’avons pas à exposer par quelle méthode la science a été conduite à ces résultats, nous avons rendu compte de cette méthode ici même. Nous rappellerons seulement que c’est une méthode d’observation, la même qui s’applique dans toutes les sciences dont les objets sont réels. Seulement, parmi les faits religieux, les uns nous viennent du passé, les autres sont encore présens et peuvent être l’objet d’expériences. Les faits passés appartiennent à l’histoire, ils composent le domaine des religions déchues et la partie écoulée de celles qui existent. Comme ils sortent logiquement les uns des autres et ne sont