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postes. C’était surcharger cette dernière administration d’un labeur au-dessus de ses forces ; aussi, ne conservant que le transport des dépêches, elle abandonna celui des personnes et des marchandises à différens industriels qui l’acceptèrent à bail débattu. Cet état de choses dura jusqu’en 1775. À cette époque, le roi, réunissant au domaine les concessions précédemment faites, résilia tous les baux et fit créer un service de voitures uniformes pour tout le royaume. Les messageries royales s’établirent rue Notre-Dame-des-Victoires, où elles sont encore ; les diligences qu’elles livrèrent au public furent ces turgotines dont on a tant parlé jadis, et qui semblaient alors le nec plus ultra du comfortable et de la rapidité. Ce fut là en réalité le premier service public régulier, sérieux, responsable, établi en France pour le transport des voyageurs.

Modifiée dans sa constitution par les lois du 29 août 1790, du 25 vendémiaire an III, du 9 vendémiaire an VI, cette entreprise s’est sans cesse améliorée ; elle a servi de modèle à ses rivales, qui ne l’ont jamais complètement égalée, et elle a fonctionné avec un succès toujours croissant, mais que la construction des chemins de fer devait arrêter pour toujours. Autour de ces messageries qui, tour à tour et suivant le vent politique qui soufflait, furent royales, nationales, impériales, s’étaient groupées diverses entreprises reliant Paris à la banlieue et à la province. C’étaient les diligences Laffitte et Gaillard, les gondoles, les accélérées, les carabas. Les chemins de fer.ont mis à néant tous ces véhicules. Quelques-uns cependant ont tenu bon contre la mauvaise fortune et ont voulu protester jusqu’à la fin. Le dernier coucou n’a disparu de Paris qu’en 1861 ; il siégeait place de la Bastille et allait à Vincennes. Son cocher, un vieux cocher d’autrefois, à carrick et à sabots fournis de paille, appelait les voyageurs, les entassait dans sa boîte incommode, en prenait un en lapin, fouettait ses rosses amaigries et partait au petit trot balancé. Il était fier sans doute de son entêtement, car sur la caisse jaune de la voiture on lisait en grosses lettres noires : Au coucou obstiné.

Nous qui sommes accoutumés aux merveilleuses rapidités de la vapeur, nous sourions volontiers de ces façons de voyager si désagréables et si lentes. Ces voitures de toute sorte, lourdes et traînantes, étaient cependant bien, supérieures à ce qui les avait précédées. Avant elles, les moyens de communication étaient presque nuls. Quand, le 21 août 1715, Louis XIV, après avoir passé une revue à Marly, rentra souffrant du mal qui devait l’emporter, et qu’on lui ordonna les eaux de Bourbon-l’Archambault, on fut obligé d’établir entre cette dernière localité et Versailles des relais pour deux cents chevaux destinés à traîner les six charrettes, payées