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et toutes les forces de leur esprit. Il en était de même des personnes livrées à l’étude des livres et des traditions sémitiques. De plus, le système des langues sémitiques est si différent de celui des langues aryennes, qu’une même personne pouvait difficilement acquérir la connaissance approfondie des unes et des autres. Aujourd’hui les conditions de l’étude sont plus heureuses : les plus importantes œuvres de ces deux séries ont été traduites et commentées. Nous avons entre les mains des grammaires et des dictionnaires de presque toutes les langues. L’étude de l’une facilite celle des autres ; de sorte qu’un homme connaissant quatre ou cinq langues aryennes peut en apprendre autant d’autres en fort peu de temps. Ces livres, qui sont comme les outils et les instrumens anatomiques de l’érudition, donnent aux travaux de ce genre autant de facilité, de promptitude et de précision qu’en donnent les machines perfectionnées aux produits de notre industrie européenne. On a donc pu de nos jours entreprendre sur les livres hébraïques les mêmes recherches que l’on réalisait avec bonheur sur les traditions des peuples aryens. De ces travaux de la critique, il résulte manifestement que le judaïsme ne doit plus prétendre à l’originalité. Non-seulement toute la première période des traditions juives est regardée comme un ensemble de mythes dont on peut chercher la signification, mais la seconde période, qui s’étend de Moïse à David, n’a pas un caractère purement historique et présente un mélange de faits réels et de légendes héroïques d’un caractère idéal. On arrive ainsi à distinguer dans les livres hébreux les deux périodes qui se trouvent au commencement de tous les anciens peuples, l’une simplement mythologique, l’autre héroïque. Quant à la doctrine religieuse contenue dans les livres antérieurs à la captivité de Babylone, outre qu’elle se réduit à peu de chose, elle porte les traces les plus manifestes d’une importation étrangère. Cette même influence s’est exercée puissamment pendant la durée de la captivité, elle a continué d’agir après le retour des Juifs dans leur pays ; toutefois elle n’a jamais été pleinement acceptée par eux. Représentée au sein de la société israélite par une minorité supérieure en intelligence, mais faible par le nombre, elle a soutenu jusqu’à l’époque de Jésus une lutte dont les livres de la Bible retracent les émouvantes péripéties. Prise en elle-même, étudiée sans prévention, elle apparaît non-seulement comme un emprunt fait à l’Asie centrale et particulièrement au mazdéisme, mais comme un emprunt incomplet fait aux Aryens par un peuple de race étrangère, par un peuple qui n’était pas de nature à recevoir toute la doctrine et à la conserver dans sa pureté primitive.

Reste la religion chrétienne, religion récente en apparence et