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Le christianisme est à cet égard moins affirmatif. Quoiqu’il se rattache uniquement à la prédication de Jésus et que pour les chrétiens le Christ soit fils de Dieu et Dieu lui-même, une parenté tout humaine l’unit dans la tradition évangélique à la famille de David, non-seulement par le charpentier son père. mais aussi par sa mère Maria. Seulement ce n’est point cette parenté qui fait de lui un christ, titre déjà donné à Cyrus, et qui lui transmet son autorité comme fondateur de religion, c’est uniquement sa procession divine, laquelle est immédiate, absolue, et ne souffre avant elle à aucun degré la génération humaine. C’est cette divinité du Maître qui rompt toute alliance entre sa doctrine et celles des Juifs ou des autres nations, car il devient par là impossible qu’un homme se considère comme chrétien s’il ne croit pas à la divinité du Christ, et il est impossible d’y croire et d’être en même temps d’une autre religion. L’abîme qui sépare le christianisme des autres cultes est donc infranchissable.

Ce point étant établi, cette originalité à peu près absolue que s’attribuent toutes les religions anciennes et modernes étant constatée, la question inverse se pose d’elle-même. C’est une des premières et des plus simples règles de la critique et en général des sciences d’observation qu’il faut renverser les problèmes et renouveler les expériences dans des conditions opposées. Ainsi, tandis que les religions affirment leur propre originalité, les recherches scientifiques poursuivies sans parti pris d’avance et avec la seule pensée de découvrir les lois de la nature font que l’homme d’étude se demande à lui-même s’il n’y a eu en effet aucune filiation réelle entre les religions. Or les travaux de tout genre accomplis sur cette matière durant le siècle où nous sommes ont abouti pour elles toutes à une affirmation contraire à la leur. Les faits constatés sont aujourd’hui si nombreux et tellement d’accord entre eux que toute illusion à cet égard est scientifiquement impossible. Les religions ont procédé les unes des autres. Non-seulement les formes du culte ne sont originales chez aucune d’elles, non-seulement les symboles ont passé des unes aux autres et l’appareil extérieur dont elles se sont servies s’est transmis à travers les siècles ne subissant que des altérations superficielles, mais encore la doctrine mystique ou, si l’on veut, métaphysique qui se cache sous ces voiles, ce que nous pouvons appeler élément divin des religions est demeuré le même depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours, animant tour à tour ces figures symboliques, ces rites et ces formules qui en sont l’élément sensible.

Il est aujourd’hui démontré que les cultes si variés de l’ancienne Grèce sont pour la plupart, sinon tons, originaires de l’Asie.