de l’esclavage, par les difficultés et les incertitudes des immigrations de travailleurs. A Saigon, comme dans toute l’Asie, rien de pareil n’existe. Non-seulement la population indigène peut doubler en vingt années, mais elle est naturellement renforcée par une immigration considérable de Chinois, toujours disposés à suivre les Européens dès que s’ouvre un nouveau port. A Saigon, il est inutile d’aller les chercher à grands frais, ils accourent d’eux-mêmes, et ce sont les meilleurs ouvriers en tout genre ; leur intelligence du commerce et leur connaissance de l’écriture de ces pays en font les plus utiles intermédiaires pour toutes les transactions.
La vitalité de la Cochinchine est donc bien assurée, La colonie soldera plus tard son budget en équilibre et peut-être même en excédant de recettes. La défense des côtes contre les attaques des grandes puissances maritimes ne nécessite aucune fortification permanente. Quelques torpilles à l’embouchure des fleuves, la garnison, la flottille ordinaire et les milices indigènes suffisent au maintien de l’intégrité de notre territoire et à l’honneur de notre pavillon. L’occupation de Saigon ne compromettra jamais toute notre marine et n’engagera pas, comme jadis dans l’Inde et au Canada, une notable partie de nos forces de terre. Le temps n’est plus du reste où des guerres générales ensanglantaient le monde pour la possession de quelques pouces de neige en Amérique ou d’une île sous le soleil. Des complications européennes ne produiraient qu’un accroissement de commerce en Cochinchine ; les navires neutres et les faibles rallieraient bien vite cette terre franche, inabordable pour l’ennemi, et trouveraient dans cette colonie née d’hier toutes les libertés, tous les secours. Notre annexion récente a été saluée avec joie par les Anglais eux-mêmes, qui aiment mieux voir une contrée si riche ouverte à tous que d’en être à jamais éloignés par la méfiance des mandarins annamites. Notre marine de commerce, vivifiée par l’immense exportation du riz, qui lui assure un fret de retour, peut donc prendre bien vite un rang digne d’elle dans les mers de Chine, ce grand marché du globe. En résumé, si notre présence dans l’extrême Asie est un gage de sécurité pour les possessions voisines de la Hollande et de l’Espagne, la colonie de Saïgon est pour la France dans ces parages un élément de prospérité commerciale et de prestige moral.
DES VARANNES.