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reprendre leur place aux états, ce qu’il avait lui-même instamment demandé au roi ; mais il exprima beaucoup d’étonnement de ce qu’on prétendît contester au souverain, de qui émanait toute justice, le droit de statuer seul sur la composition des cours qui la rendaient en son nom. Les états, ajoutait-il, avaient en d’autres temps critiqué avec trop de vivacité la création de sièges inutiles pour être admis à élever des objections contre la salutaire mesure qui en avait réduit le nombre. Il déclara enfin avoir reçu l’ordre formel de décliner toute ouverture ; introduite par quelque voie que de pût être, au sujet de magistrats qu’il ne s’agissait plus ni de juger ni de défendre, bien qu’ils demeurassent exilés par des considérations dont le roi ne devait compte à personne ; la demande qui les concernait pourrait, si elle était conçue en termes convenables, figurer plus tard dans les instructions remises aux députés en cour, mais sous la condition qu’elle vînt à son rang, et lorsque les états auraient épuisé les matières administratives sur lesquelles leur premier devoir était de délibérer. Il conjura donc les trois ordres de se retirer dans leurs chambres pour nommer les commissaires selon les formes accoutumées.

Cette réponse, notifiée en assemblée générale, suscita sur le théâtre la plus furieuse tempête, et celle-ci se renouvela chaque jour de cette tenue, la plus agitée qu’eût encore vue la Bretagne. L’un des vétérans du bastion, M. de Coëtanscour, MM. de Pire et de Guerry, dont les pères, conseillers au parlement, étaient alors exilés, s’écrièrent que la tyrannie refusait à ses victimes un droit partout reconnu aux opprimés, celui d’en appeler des violences de ses agens à la justice mieux informée du souverain. Pour faire tomber l’objection tirée de l’interdiction faite aux commissaires de recevoir aucune supplique relative au jugement des magistrats et au rappel de l’universalité, c’était le mot consacré, la noblesse arrêta qu’on les inviterait à réclamer de la cour l’autorisation qui leur manquait. Telle fut la première phase de ces débats, qu’on poursuivait dans la pensée d’intimider par une attitude comminatoire un pouvoir dont la faiblesse et la versatilité n’étaient ignorées de personne. Des semaines, puis des mois s’écoulèrent dans la vaine attente d’une autorisation que les commissaires se refusaient à réclamer, alléguant des instructions précises à la rigueur desquelles chaque courrier de Versailles venait encore ajouter. En vain l’église et le tiers se présentaient-ils chaque matin sur le théâtre pour y faire connaître le résultat des travaux. opérés dans leurs chambres particulières, en vain les deux procureurs-syndics et les membres de la commission intermédiaire exposaient-ils les résultats de leurs opérations ; après ces longues lectures, écoutées en silence, les