nouveau parlement et de tenir les états indiqués pour la fin de l’année. Le duc échoua cruellement dans la dernière partie de cette tâche, et n’obtint dans la première qu’un succès fort incomplet. Il parvint à décider à remonter sur les sièges qu’ils avaient abandonnés par un pur point d’honneur à peu près le quart des signataires de la démission collective, et je ne connais pas dans l’histoire de la vieille magistrature de pages plus honorables que celles où le duc d’Aiguillon expose jour par jour les progrès de ses négociations auprès de ces hommes de bien. Malgré la valeur des offices du parlement, qui dépassait assez souvent 100,000 fr., il n’est presque jamais fait allusion dans ces communications personnelles à des intérêts domestiques, même en ce qu’ils ont de plus légitime. Ce qu’on débat de part et d’autre dans ces longs entretiens textuellement reproduits. dans les mémoires de M. d’Aiguillon, c’est la mesure de dévouement due à des collègues malheureux, lors même qu’on ne partage pas leur manière de voir, c’est surtout ce que commande la volonté du roi à la fidélité d’un magistrat et à l’honneur d’un gentilhomme[1]. Plus d’une fois M. d’Aiguillon, fort étranger pour son propre compte aux scrupules de ses sévères interlocuteurs, est contraint de suspendre la négociation afin d’attendre durant plusieurs jours l’avis d’un directeur ou la consultation écrite d’un casuiste, tant est grande la part de la conscience dans la résolution définitive. Le régime politique dont ce travail déroule le triste tableau mérite à coup sûr bien des reproches ; mais, il faut le reconnaître, la moralité des hommes tempérait alors le vice des institutions, contrairement à ce qui peut se passer dans d’autres temps sous des institutions plus parfaites. Mieux vaudraient pour une grande nation de mauvaises lois corrigées par la hauteur des caractères que des lois excellentes rendues inutiles par la faiblesse générale des convictions.
Les choix complémentaires laissèrent fort à désirer, et le bailliage d’Aiguillon eut à se défendre devant le public des reproches qui, quelques années plus tard, atteignirent avec plus de raison peut-être le parlement Maupeou. Cependant M. de La Chalotais et ses coaccusés pouvaient pleinement compter sur la bienveillante équité d’un pareil tribunal malgré les récusations nombreuses que ne manqueraient pas de provoquer dans ses rangs les alliances et les parentés. Le procureur-général n’en déclina pas moins avec une fierté dédaigneuse la compétence du nouveau corps devant lequel on le renvoyait, déclarant ne pouvoir être validement jugé que par « l’universalité du parlement Tendu à la plénitude de son indépendance et de ses pouvoirs. » Les procédures et les interrogatoires
- ↑ Journal du duc d’Aiguillon, t, IV, p. 347 et suiv.