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pour devenir sanglantes. Nous avons ce mérite unique, nous remplissons cette fonction dans l’exercice de laquelle personne ne peut nous suppléer : nous sommes la meilleure police du Bosphore.

Ainsi parla Fuad avec beaucoup de bonhomie, sans la plus légère ombre de pédantisme ou de morgue officielle, ne niant rien, affirmant peu de chose, se montrant attaché aux mœurs et à la religion de sa race dans la proportion exacte où la convenance exige de le paraître en face d’un étranger, témoignant pour les idées contraires aux siennes une tolérance dans laquelle on pourrait ne voir que de la courtoisie, mais où il y avait certainement un fond de scepticisme réel. Après tout, ce scepticisme est peut-être un avantage dans une situation qui exige tant d’entregent et nécessite tant de compromis. Quoiqu’on ne puisse révoquer en doute la portée de son intelligence, Fuad n’affecte point le sérieux, il affecterait plutôt le contraire ; il est à coup sûr le premier homme d’état de Turquie qu’on voie déroger de propos délibéré à la gravité orientale, qui se fasse un moyen de la légèreté et porte l’esprit dans la politique jusqu’à déconcerter des populations auxquelles l’esprit, tel qu’on l’entend ici, est presque absolument inconnu. L’année dernière, peu de jours avant qu’il quittât le grand-vizirat, un riche Arménien vint à mourir en état de religion douteuse, à ce qu’il paraît. Les catholiques prétendaient l’avoir converti à l’article de la mort, les Arméniens soutenaient qu’il était décédé parfait schismatique. Les communautés religieuses se disputent volontiers l’attribution d’une dépouille d’homme riche, et l’on était près d’en venir aux mains, comme il est plusieurs fois arrivé, lorsque l’on recourut à son altesse ottomane pour pacifier la querelle entre chrétiens. « Êtes-vous bien certains, dit Fuad aux catholiques, que ce brave homme soit mort dans votre religion ? — Très certains. — En ce cas, ajouta-t-il, son âme vous appartient ? — Oui, altesse. — Alors, reprit-il, c’est bien le moins que vous laissiez le corps aux autres. » Et il décida que les funérailles seraient célébrées selon le rite arménien, ce qui eut lieu.

On ne saurait voir sans regret des hommes tels qu’Aali et Fuad consumer de véritables facultés de gouvernement à la recherche d’expédions qui peuvent tout au plus leur faire gagner un jour. En rassemblant les traits principaux qui ressortent de l’étude à laquelle je me suis livré, il en est deux dont je suis particulièrement frappé. Premièrement, et cela s’applique à Reschid aussi bien qu’à ceux qui l’ont suivi, les hommes d’état de la Turquie, induits par les fatalités de la politique à étudier et à adopter les idées occidentales, tout formés à l’européenne, ne sortent pas naturellement du peuple turc, auquel les principes qu’ils invoquent, les