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existante, la Banque ottomane, qui voit ses bases élargies, ses privilèges accrus jusqu’à être égaux à ceux de la Banque de France. Qu’arrive-t-il ? Paralysée par l’hostilité qu’elle soulève maladroitement dans le monde des affaires, cette banque n’a pas émis depuis sa transformation un seul billet, et se voit réduite à de pures opérations de trésorerie. Ce n’est pas tout. Naguère, lorsque la Porte voulait emprunter, elle mettait l’emprunt aux enchères parmi les banquiers de Galata. Depuis quatre ou cinq ans, les principaux de ces banquiers ont formé sous le nom de Société générale une coalition permanente qui, interdisant à ses membres toute affaire personnelle avec la Porte, les met en état de lui faire la loi, et la Banque ottomane, cette institution destinée à être le moteur du progrès, est entrée pour un cinquième dans cette société qui n’a pas précisément pour but de venir en aide à la Turquie. On comprend qu’Aali et Fuad ne soient pas éloignés aujourd’hui de la considérer comme un embarras.

Au mois d’avril 1865, le sultan se déclara, par un liait lu au divan, hautement satisfait de ses conseillers, et fit savoir qu’à l’avenir les ministres se réuniraient sous sa présidence à son palais impérial. Quel était le sens de cette déclaration, qui ne pouvait avoir de suites effectives ? On le comprit bientôt, lorsque la grande affaire de la conversion s’accomplit. Il fallait faire partager au souverain la responsabilité d’une situation, financière redoutable et l’impopularité des projets conçus pour en tirer le pays. Il importe de ne pas s’y tromper, cette opération, sans analogie avec les mesures qu’on a désignées en Europe par le même nom, est de celles qui ont le plus profondément atteint la Turquie dans ses conditions d’existence, et Fuad, dont elle a été l’ouvrage, aurait lieu de concevoir quelque effroi en en touchant du doigt les effets. Par la conversion, qui n’a été nullement facultative, d’emprunts remboursables dans un court délai et garantis par l’affectation de revenus déterminés en une dette irremboursable et sans garantie spéciale, elle a été une incontestable violation d’engagemens précis, et par suite un coup mortel porté au crédit de l’état. Par la création du grand-livre, elle a mis aux mains d’un gouvernement sans publicité, sans contrôle efficace, toujours besoigneux, le moyen de jeter sur la place, au gré des nécessités qui le poursuivent, telle quantité de titres qui lui plairait ; elle a semé de cette manière une défiance qui n’a pas tardé à les avilir. Par les circonstances où elle s’est faite, elle n’a paru, ce qu’elle était réellement, qu’une opération destinée à masquer un véritable emprunt contracté à des conditions léonines ; émis à 50 francs, cet emprunt ne pouvait, pour 100 millions de titres, verser au plus dans les caisses de l’état que 50 millions de francs,