session par un discours à l’anglaise, où il exposait la situation avec une sécheresse britannique, l’assemblée eut beau répondre par, une adresse en style à l’orientale, l’enthousiasme était tombé, et l’heure n’était pas venue de croire à la fiction d’une Turquie parlementaire. Au surplus, Reschid ne recueillit pas le fruit de son œuvre ; il n’était plus ministre lorsque le traité de 1841 fut conclu. Si l’on ne savait ce qu’il y eut toujours de superficiel et de capricieux dans la pensée de Mahmoud, une chose suffirait à le prouver, c’est que. ce réformateur ne songea pas un seul instant à préparer dans son fils un continuateur de son œuvre ; il l’avait laissé, selon l’usage, se consumer dans la solitude, l’oisiveté, le précoce abus des plaisirs. La défiance jalouse des princes régnans, un des maux irrémédiables de la Turquie, condamne à l’abrutissement celui qui doit leur succéder ; à cette heure même, le neveu d’Abdul-Azis, qu’on a pu voir lors de la visite du sultan à l’exposition, expie dans une retraite fort semblable à une prison le crime d’avoir inspiré par son intelligence trop d’intérêt et de sympathie en Europe. Autour d’Abdul-Medjid se remuait une camarilla réactionnaire qui avait la Validé-Sultane pour centre et pour chef un homme habile, Riza-Pacha. Elle parvint à tenir Reschid éloigné du ministère pendant trois ans. Tandis qu’il représentait la Turquie à Paris, — beaucoup de personnes n’ont pas oublié peut-être avec quelle distinction, — Constantinople était le théâtre agité des cabales du sérail et des intrigues diplomatiques. Au moment où il était nommé, grand-vizir, en mai 1846, la crise de 1848 n’était pas bien éloignée, et l’on en sentait déjà les approches. Il allait se trouver, aux prises avec des difficultés d’un autre ordre ; mais il s’était formé d’utiles auxiliaires en deux hommes, Aali et Fuad, qui vont apparaître maintenant dans les premiers rôles et qu’il est temps de faire connaitre.
Nous n’avons pas de renseignemens particuliers sur leur origine, leur éducation, leur jeunesse, leur vie jusqu’au moment où ils entrent dans les affaires. Ces détails, introduction naturelle de toute biographie d’un homme public et qui jettent un jour si précieux sur son caractère, manquent absolument en Turquie. La famille même d’un ministre n’est pas toujours bien connue, car, sauf des exceptions très rares, il n’y a pas de nom patronymique ; chaque individu reçoit au moment de sa naissance un nom particulier, qu’il emporte avec lui en mourant. La société musulmane est une société profondément démocratique, où tout est personnel et viager,