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la garnison française. L’Angleterre, qui s’est prononcée pour l’occupation aussitôt après avoir réglé son différend avec le prince de Satzouma, a envoyé de l’Inde un régiment d’infanterie et de la métropole un bataillon de troupes de marine. Dorénavant le commerce européen est à l’abri de tous les décrets d’expulsion. On peut reprendre sans arrière-pensée la question du détroit de Simonoseki, et, si le taïcoun ne nous donne pas de garanties suffisantes, les forces dont disposent les chefs militaires sont assez considérables pour faire face aux éventualités d’une expédition sur le territoire du prince de Nagato, combinée avec l’occupation de Yokohama. Le gouvernement de Yeddo ne paraît pas avoir plus d’influence sur le prince de Nagato que sur le prince de Satzouma. Le vassal rebelle n’a fait jusqu’ici que des réponses peu respectueuses, et, malgré les espérances que cherchent encore à nous faire concevoir les autorités japonaises, il est évident qu’il n’y a d’autre solution que celle que nous irons nous-mêmes chercher dans le détroit de Simonoseki.

L’expédition, menée vigoureusement par les amiraux Jaurès et Kuper, fit tomber dans nos mains toutes les défenses du détroit. Le prince envoya un de ses ministres pour demander grâce, rejeta la faute de ses agressions sur des ordres du taïcoun, ordres authentiques d’ailleurs, puisqu’ils étaient la reproduction du décret d’expulsion, et signa avec nous de la meilleure volonté du monde une convention par laquelle, reconnaissant tous ses torts, il s’engageait non-seulement à laisser circuler les navires européens à travers le détroit de Simonoseki et à leur fournir au besoin aide et protection, mais encore à ne plus posséder sur son littoral la moindre apparence d’artillerie. Il n’était pas possible de rêver plus magnifique résultat. Quant aux ambassadeurs du taïcoun, porteurs d’un traité inacceptable qu’ils avaient eu la faiblesse de signer en France, ils disparurent au bout de quelques heures. A l’exception d’un interprète dont les services sont encore utilisés, tout ce personnel de la mission de 1864, depuis le chef jusqu’au dernier officier, expie probablement dans l’exil le malheur de ne pas avoir accompli une tâche impossible. Le gouvernement du taïcoun se confondit en félicitations sur l’heureuse issue de notre expédition contre le prince de Nagato. Jamais il n’avait affiché envers nous une aussi sympathique tendresse. Il ne se borna point d’ailleurs à des démonstrations. Les palais du vaincu tombèrent par ordre du souverain de Yeddo sous la pioche des démolisseurs ; tout ce qui pouvait rappeler dans la capitale du taïcoun le nom ou les titres du daïmio rebelle fut détruit avec empressement.

Dès les derniers mois de 1864, il n’était bruit à Yeddo que de