commerciales. » Ainsi, après deux ans et demi d’expérience, nous en étions presque à regretter, dans un intérêt général, notre triomphe diplomatique amené par l’expédition de Chine ; nous étions acceptés à peine comme marchands et à la condition de nous faire humbles, de vivre loin de la capitale et des regards de la noblesse. La considération qui s’attachait aux représentans de l’Europe ne s’élevait pas au-delà de la crainte. et la sympathie que nous inspirions aux hautes classes de la société se traduisait par un attentat audacieux, commis en pleine capitale du taïcoun, dans un édifice confié à la garde de ses soldats. Les ministres étrangers essayèrent, pendant une année encore, de dominer la situation, et firent défendre les légations par des soldats de leur propre pays. En juin 1862, à la suite d’une attaque nocturne attribuée au bras d’un fanatique et qui coûta la vie à deux soldats de la reine, sentinelles placées à la porte du colonel Neale, chargé d’affaires de sa majesté britannique, ils abandonnèrent définitivement Yeddo, annonçant l’intention d’y revenir lorsque seraient terminées les constructions européennes qui s’élevaient au Gottenyama, et qui devaient, d’après les traités, devenir les demeures des représentans de l’Europe.
Le 14 septembre 1862, le prince de Satzouma passait sur la grande route avec une suite de plusieurs milliers de serviteurs armés. Il quittait la cour de Yeddo,. avec laquelle il ne sympathisait pas, et retournait dans ses états, à l’extrémité sud du Japon. A la vue des hérauts d’armes marchant en tête du cortège, les habitans rentraient chez eux ou se prosternaient à terre. Les marchands de toute nature qui encombraient le Tokaïdo dissimulaient à droite et à gauche dans les maisons les chevaux et les bœufs servant à leurs attelages. Un hasard malheureux mit tout à coup en présence les uns des autres ce grand prince de l’empire et quatre Anglais amenés là par les charmes de la promenade. C’était la première fois que se produisait ce fait, si redouté des autorités locales. Les quatre promeneurs s’efforcèrent de rester calmes et polis, il n’y eut de leur part aucune provocation ; mais leur présence seule constituait une insulte. Ils étaient là fièrement à cheval, et, quand le peuple entier se prosternait le front dans la poussière, ils regardaient, avec une curiosité qui devenait de l’impertinence, passer un prince devant lequel tout devait plier. Le prince de Satzouma n’avait conclu aucun traité avec les étrangers, il ne reconnaissait pas au taïcoun le droit de leur concéder des privilèges sur une- grande route de l’empire ; pour lui, les lois japonaises, que rien n’était venu amender, ordonnaient l’expulsion et la mort des Européens. Il n’y eut de part et d’autre ni réflexion ni parti pris. Dans l’escorte, les yeux se cherchèrent un moment comme pour se consulter, les mains se