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télégraphie actuelle, il ne saurait y avoir assez de puissance et de rapidité, ni assez de secret dans ce mode de transport. Lorsqu’on n’a pas à sa disposition la mer et des flottes à vapeur, c’est avec les chemins de fer que s’opèrent les grandes concentrations de troupes, que l’on approvisionne et alimente ces grandes armées, qu’on leur donne les moyens de se porter en avant et d’agir.

Tandis que la Prusse avait quatre voies ferrées indépendantes les unes des autres, et convergeant des diverses parties de son territoire vers la frontière ennemie, l’Autriche ne disposait que de la ligne de Vienne sur Lundenbourg, et de là, par un double embranchement à une seule voie, sur Prague et Olmutz. Lorsque vint le moment de l’action, ce chemin de fer fut complètement insuffisant à sa tâche, insuffisant surtout à rivaliser avec les quatre lignes de la Prusse. Là encore a été pour celle-ci un avantage immense, et il faut dire, à l’honneur de l’état-major prussien, que, profitant des grands enseignemens de la récente guerre des États-Unis, où les chemins de fer ont joué un rôle si considérable, il avait su ajouter à la puissance de ce moyen de succès par une organisation aussi soigneuse qu’habile, et digne de la plus grande attention. Tout l’ensemble du réseau avait été divisé en zones placées chacune sous la direction d’un comité composé d’un officier d’état-major, d’un des administrateurs civils de la ligne et d’un ingénieur. Le mode de réunion du matériel de transport sur les divers points d’embarquement avait été étudié et réglé ainsi que le temps nécessaire à l’opération. A chaque zone, on avait assigné sa tâche dans le grand mouvement qui se préparait, et désigné les troupes qu’elle devait transporter. Enfin le nombre des trains à employer et leur parcours avaient été aussi réglés d’avance, de telle sorte qu’on savait exactement à Berlin en combien de jours et d’heures, après l’ordre de concentration expédié, l’armée se trouverait rassemblée à la frontière. Nous ne saurions trop insister sur le rôle que les chemins de fer ont joué dans cette campagne, sur la supériorité qu’ils ont donnée à la Prusse, et sur celle qu’ils promettent à toute puissance militaire qui saura, les employer comme elle. Non-seulement la Prusse gagna d’être prête alors la première, non-seulement elle ne fut pas condamnée à voir ses villes et ses campagnes livrées aux dévastations de la guerre, et réduisit au contraire l’ennemi à l’inconnu de la défensive ; ce furent outre cela les chemins de fer qui approvisionnèrent et alimentèrent son armée, évacuèrent les blessés et les malades, et permirent à toutes les opérations de la guerre d’être poussées avec une sûreté et une rapidité sans exemple.

Rien de pareil, nous avons dit pourquoi, ne fut possible aux Autrichiens ; mais ce qu’on a peine à comprendre, c’est comment, voyant le parti que l’ennemi avait tiré de ses voies ferrées, ils ne