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quand les hostilités devinrent inévitables, fut de dégarnir les provinces rhénanes et d’envoyer aux armées actives les troupes qui les gardent ordinairement. Le cabinet de Berlin ne redoutait donc rien du côté de la France, et celui de Florence partagea bientôt cette conviction.

Il résulte de tout ceci que c’était du consentement de tous les gouvernemens de l’Europe que la Prusse et l’Italie allaient se jeter sur l’Autriche. L’Autriche avait bien pour elle les petits états allemands, qui voyaient clair dans les projets de M. de Bismarck ; mais au moment de la déclaration de guerre l’Allemagne du sud était, à ce que nous apprend l’état-major prussien, un ennemi à naître. On savait à quel point de ce côté on s’était peu préparé à la guerre.

L’événement prouva bien vite si les informations du gouvernement prussien étaient sûres. Malgré la bravoure des Hanovriens à Langensalza et des Bavarois à Kissingen et ailleurs, quelques corps détachés sous la très habile direction du général de Falkenstein suffirent pour désorganiser de ce côté toute résistance. L’assistance de l’Italie, sans être d’un beaucoup plus grand poids dans la balance des événemens que celle des troupes de la confédération, eut pourtant pour effet de retenir 80,000 Autrichiens au-delà des Alpes, et ce fut encore là pour la Prusse un avantage incontestable.

Comme si, à la veille d’une si grande lutte, ce n’eût pas été assez des désavantages que nous venons de signaler, l’Autriche allait y joindre, on pourrait le dire à plaisir, celui d’abandonner aux Prussiens la supériorité que l’initiative donne aujourd’hui à la guerre. Elle allait les laisser apporter sur son territoire l’invasion et les ravages qui l’accompagnent au jour et à l’heure où ils seraient entièrement préparés. Elle allait créer en outre à ses généraux des difficultés immenses en les obligeant à deviner les projets de l’ennemi et à subordonner leurs mouvemens à ses combinaisons. La concentration des armées de 200 à 300,000 hommes, avec lesquelles on se dispute aujourd’hui les batailles, n’est pas chose qui puisse s’improviser : les ordres à expédier, les approvisionnemens à réunir, l’encombrement des diverses voies de communication, ne permettent pas d’accélérer les mouvemens de masses d’hommes si prodigieuses au gré des exigences d’une situation difficiles ou des impatiences du chef. Il faut du temps, et un temps souvent assez long pour que de telles opérations s’accomplissent : de là pour celui qui a su prendre l’initiative un avantage presque toujours très considérable. Cet avantage, comme nous le disions tout à l’heure, l’Autriche le laissa à la Prusse, et tout porte à croire que cette faute lui fut suggérée par le souvenir de la faute contraire qu’elle avait commise en 1859.

En 1859, l’empereur François-Joseph s’était cru menacé, tout