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durée. On vit là ce qui ne s’est guère vu dans aucune armée, un prince de sang impérial, l’archiduc Joseph, à pied, blessé, ayant eu trois chevaux tués sous lui, rester le dernier avec quelques fantassins à disputer le terrain à l’ennemi. Ce noble exemple, la bonne contenance de quelques régimens d’infanterie, surtout des Saxons, qui se retiraient superbement avec tous leurs canons et la plupart de leurs blessés dans le rang, le feu admirablement dirigé de l’artillerie autrichienne, et non moins que tout cela l’inévitable lassitude du soldat après les émotions d’une pareille journée arrêtèrent de bonne heure l’armée prussienne. Quelques charges partielles essayées par ses escadrons n’eurent aucun succès. La grosse cavalerie et les obus autrichiens leur ôtèrent le goût de recommencer.

Ce fut le lendemain de la bataille et les jours suivans, sans nouvelle attaque de l’ennemi, par une espèce de réaction morale, grave sujet de réflexions pour les organisateurs de l’armée autrichienne, que le désordre se mit dans les rangs et rendit impraticable le renouvellement des opérations défensives. Les Prussiens marchèrent sans obstacle jusqu’à Vienne, et les vaincus se retirèrent avec leurs débris sur la rive droite du Danube. Il était clair que l’armée de François-Joseph, à moins d’être secourue par un puissant allié, ne pourrait pas rentrer en campagne. Elle chercha cet allié, elle lui offrit même la Vénétie, qu’elle pouvait abandonner avec honneur le lendemain de Custozza ; mais, après cette période de patriotique angoisse dont M. le ministre d’état a parlé au corps législatif, nous repassâmes la Vénétie aux Italiens, et les consolâmes du malheur de leurs armes par le don d’une province. Sans espoir de secours, et avec les Prussiens aux portes de Vienne, ne pouvant songer à une réorganisation de son armée, qui eût été nécessairement hâtive et incomplète, le gouvernement autrichien fut contraint à demander la paix.

Elle se fit à la grande gloire et au grand avantage des vainqueurs, sans qu’aucun nuage eût le temps de se former qui vînt assombrir l’éclat de leur fortune. L’intervention de la France, en se réduisant à être toute diplomatique, ne fit que rehausser leur triomphe auprès des imaginations populaires, et, comme nous l’indiquions plus haut, l’empressement avec lequel notre gouvernement, comme pour rassurer le pays, annonça le bouleversement de nos institutions militaires eut pour effet d’ajouter encore au prestige si excessif déjà des armes prussiennes.

Nous avons essayé de signaler les circonstances tout exceptionnelles, et peu probables dans une guerre avec la France, qui sont venues en aide à l’habileté des généraux et aux qualités militaires des troupes du roi Guillaume dans cette mémorable campagne : il nous reste à montrer comment, hors des champs de bataille, la