Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/795

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

candidature prochaine et locale à la domination de Constantinople. Il n’y a que la France, l’Angleterre et l’Autriche qui puissent protéger avec sincérité et élever les races chrétiennes de la Turquie.

Nous ne terminerons point sans prendre acte d’un incident parlementaire significatif qui vient d’avoir lieu aux cortès de Madrid. La chambre venait de voter la loi qui change l’armement militaire de l’Espagne, lorsque le président du conseil, le maréchal Narvaez, prit la parole. Le maréchal saisit l’occasion pour assurer en termes énergiques que, l’ordre étant rétabli en Espagne, le ministère repoussait les accusations de réaction lancées contre lui. « Nous tous, les membres du présent ministère, s’est écrié le maréchal, nous serons toujours de véritables et sincères constitutionnels. » Cette déclaration, développée avec autorité et avec une remarquable énergie d’accent, est inspirée par une pensée juste, habile et conforme aux intérêts de l’Espagne. Le cabinet Narvaez a eu le mérite et la chance heureuse de rétablir l’ordre. Il se montrera digne de son succès, s’il conserve à l’Espagne les garanties du régime représentatif. e. forcade.



REVUE DRAMATIQUE.
Théâtre-Français : Paul Forestier, comédie en quatre actes, en vers,
de M. Émile Augier.

M. Émile Augier compte dès à présent un succès de plus, et l’un des mieux mérités qu’il ait encore obtenus. Toute part faite à l’agitation factice des premières représentations, à l’illusion facilement contagieuse dans un milieu échauffé par l’attente et la nouveauté, cette comédie-demeure, avec l’Aventurière, la plus vigoureusement conçue et la plus savamment conduite de l’auteur. Il a su y exciter l’intérêt et le soutenir jusqu’au bout à l’aide de moyens simples, sans complication de scènes ni de personnages épisodiques, par l’image saisissante de la passion. J’appliquerais volontiers à la pièce un des plus jolis vers qu’elle renferme :

Comme le cœur va droit, que ses chemins sont courts !

On discutera des hardiesses devant lesquelles eussent reculé des esprits moins sûrs de leur force, où l’on reconnaît l’auteur accoutumé aux procédés énergiques parfois jusqu’à la violence. Ces procédés sont justifiés, peut-être commandés ici par la situation même. La timidité n’est pas de mise quand on enfourche le coursier sauvage de la passion, que la civilisation a beau caparaçonner élégamment, charger de brides, embarrasser d’entraves, qui n’en est pas moins exposé à prendre le mors aux dents et s’emporte alors, sur l’aile des vents, à travers les demeures des hommes et les conventions derrière lesquelles la société s’abrite.