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communales, qu’il ne devait cependant émettre, suivant le texte positif de ses statuts, qu’au profit des communes « ayant la faculté d’emprunter, » c’est-à-dire autorisées à emprunter par une loi. Qu’une loi aussi formelle ait pu être éludée à ce point et pendant si longtemps sans qu’on y ait pris garde, que dans cette situation un fonctionnaire ait pu employer à la destruction de propriétés foncières dans Paris une somme qui se chiffre par des centaines de millions et ait exercé ainsi sur une seule industrie, celle du bâtiment, — capitaux, entreprise et main-d’œuvre, — une influence si colossale, en échappant au contrôle préalable et opportun d’un débat et d’un vote législatifs, c’est un phénomène qui n’a d’exemple dans l’histoire d’aucun temps et d’aucun pays. Voilà les inattentions et les distractions que rend possibles l’état de l’esprit public, quand il n’est plus appliqué aux affaires par une presse jouissant d’une complète liberté.

L’état de l’Europe, nous l’avons dit, a repris, depuis le commencement de l’année, un aspect plus favorable aux espérances pacifiques. Les rapports internationaux ont paru s’améliorer partout. L’attitude de la Prusse, le travail intérieur de l’Autriche, la question italienne et la question d’Orient ne donnent point de prétexte à des craintes prochaines. Il est manifeste que le premier intérêt de la politique prussienne est en ce moment la conservation de la paix et la consolidation des avantages qu’elle a obtenus par un si merveilleux coup de fortune. Le cabinet de Berlin juge assurément mieux que nous si la France, qui lui a donné un concours moral très efficace en lui prêtant pour ainsi dire l’alliance italienne, a des motifs de regretter que l’issue des événemens lui ait été si peu profitable. Mieux que nous il est en état de comprendre les ménagemens qu’il nous doit dans l’œuvre de l’organisation de l’Allemagne nouvelle. L’opinion libérale en France assisterait avec plus de sécurité et de bienveillance à ce travail, s’il coïncidait avec un développement progressif des institutions libres. Nous remercierions l’Allemagne, si, après nous avoir donné un utile avertissement militaire, elle nous offrait aussi des exemples libéraux à suivre, il y aura intérêt, pour apprécier l’état des esprits en Allemagne, à connaître les débats du parlement commercial et douanier où les représentations du nord et du sud vont bientôt se réunir. La politique modérée et expectante maintenant adoptée par M. de Bismarck vient de se dessiner à peu près de tous côtés d’une façon qui ne contrarie point la politique française. Le roi de Prusse et M. de Bismarck ont été prudens en Italie ; ils montrent de l’inclination à se rapprocher de l’Autriche ; ils ont dû donner de bons conseils à la cour de Pétersbourg et la détourner de la politique d’action dans la question orientale.

L’Autriche poursuit avec bonne apparence le travail intelligent et patriotique par lequel elle s’efforce de s’appuyer sur la conciliation de ses races fédéralisées. Les délégations des deux parties de la monarchie, la