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qui seraient un encouragement trop pressant aux prodigalités. Cette politique de nos ministres des finances donne à notre pays des allures besoigneuses que les étrangers auraient tort de prendre au sérieux. La France, quand elle est en pleine confiance politique, est capable des efforts financiers les plus considérables. Une politique qui tracerait devant elle des routes droites et lumineuses la trouverait inépuisable dans les entreprises de la paix. La fréquence de nos emprunts, qui depuis dix-sept ans ont tant grossi notre grand-livre, les déficits et les expédiens qui accompagnent ordinairement nos budgets, ne doivent point être pris comme le signe d’embarras graves. Si la liberté de la presse existait, si les prérogatives parlementaires s’accroissaient rapidement, si les ministres étaient mis en demeure et en mesure de ressentir davantage leur responsabilité, nos budgets seraient plus économiques, combinés avec plus de suite. Nous profiterions peut-être alors des enseignemens de l’Angleterre. Nous mettrions notre amour-propre à ne plus dépasser dans le gouvernement et l’administration du pays nos ressources ordinaires. À la période des déficits et des emprunts continus nous ferions succéder celle des excédans, et nous emploierions ces excédans à des expériences utiles au pays sur la réduction des taxes. Nous sommes loin de cette république d’utopie, et il faut prendre les faits tels qu’ils sont. M. Magne commence par régulariser la situation ; il paie avec les produits de l’emprunt nos préparatifs extraordinaires de guerre ; il ne conteste point l’équité qu’il y aurait à réparer une partie du désastre dont les porteurs d’obligations mexicaines ont été frappés ; il laisse entrevoir des paiemens d’annuités attribués comme subventions dues par l’état aux compagnies de chemins de fer ; il nous montre une certaine somme de rentes qui doit revenir à l’état après la liquidation de la caisse de la dotation militaire. En somme, les arrangemens financiers de M. Magne sont le résultat obligé des nécessités politiques encourues avant sa rentrée au pouvoir, et ils sont aussi l’opération complémentaire de notre préparation de guerre. Le trésor n’est point pressé d’argent, car le ministre annonce qu’il réalisera l’emprunt par vingt versemens mensuels. Présentera-t-on à la chambre le projet d’emprunt avant les budgets ? La logique et la correction ne sanctionnent point cette marche, car la nécessité de l’emprunt ressort des budgets eux-mêmes, et en est non la préface, mais la conclusion. Les partisans du vote précipité de l’emprunt allèguent qu’un emprunt annoncé doit être réalisé le plus tôt possible, et qu’en l’ajournant on prolonge la stagnation des affaires. Au point de vue pratique, il n’y a pas grand intérêt dans le choix du système. Une autre grande mesure financière occupera aussi la chambre : c’est l’autorisation légale de l’emprunt de la ville de Paris, où seront consolidés les véritables engagemens pris par la ville et escomptés successivement jusqu’à une somme fabuleuse par le Crédit foncier au moyen de ses obligations