rait penser et dire que la nature des institutions qui régissent la France est une question indifférente pour les autres nations ? Ne voit-on pas partout autour de nous le sentiment de la sécurité défaillir ou se raffermir suivant la nature et les tendances de nos institutions ? Nous avons pris les sûretés matérielles de notre indépendance par la loi militaire ; si la liberté loyale, rançon bien légitime des sacrifices auxquels le patriotisme s’est résigné, nous était rendue, le monde changerait de face. L’émulation politique des peuples ne serait plus l’instrument des intrigues secrètes des cours et des cabinets ; elle cesserait d’être égarée par l’obsession des hostilités factices tenant toujours en suspens des guerres cruelles et ruineuses ; elle se porterait avec une sereine générosité sur le perfectionnement des institutions, sur l’amélioration morale et matérielle de l’humanité. Croit-on qu’à côté d’une France entièrement libre l’Allemagne tarderait à vouloir, elle aussi, grandir et prospérer par une égale liberté ? Suppose-t-on que l’Angleterre resterait dans la réserve circonspecte où nous l’avons nous-mêmes placée, si elle trouvait dans notre façon de nous gouverner les gages de sécurité qu’elle possède et qu’elle donne aux autres peuples. Le mot d’alliance est peut-être suranné et a perdu son opportunité dans l’état présent de l’Europe ; mais, puisqu’il serait maladroit de compter aujourd’hui sur les alliances des cours, il ne faut plus faire fonds que sur les sympathies des peuples. La liberté est donc le grand principe de justice, de conservation, de conciliation, d’apaisement général, de bien-être universel, dans la période historique où nous entrons. Il dépend de la France de décider le mouvement libéral. Ceux qui aiment la France ont le cœur ému à la pensée de la responsabilité qui repose sur elle dans cette crise décisive.
Le gouvernement et la majorité de l’assemblée représentative semblent ne point avoir encore le complet sentiment de la nécessité qui apparaît à tous les esprits élevés en France et en Europe. On a l’air de vouloir nous restituer des libertés, et on nous les marchande avec une parcimonie incompréhensible. Il faut que l’intelligence politique ait été oblitérée d’une façon étrange parmi les adhérens du pouvoir dictatorial, il faut qu’ils aient eu une léthargie de mémoire extraordinaire, et qu’ils se soient endormis dans une ignorance profonde des principes de notre révolution et des idées qui sont devenues la vérité pratique et courante chez les nations libres que nous devrions avoir l’orgueil de vouloir égaler. Le projet de loi relatif à la presse, avec son exposé des motifs et les rapports de sa commission, porte l’empreinte affligeante d’un esprit rétrograde et qui ne veut pas s’ouvrir aux inspirations modernes. Le programme du 19 janvier a fait sortir la presse d’un régime qui ne pouvait se justifier par aucune théorie philosophique, par aucune raison tirée des traditions les plus solides et les plus saines de la révolution française. Le projet de loi maintenant discuté par le corps législatif est un détour sinueux qui ne nous ramène point dans la grande voie. Les con-