Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/763

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

formeraient les marins et les voyageurs. Ce projet fut adopté en entier malgré quelques résistances qui se produisirent, comme il s’en produit toujours quand il s’agit de réformes d’une utilité évidente. Cassini eut trois élèves, Nouet, Villeneuve et Ruelle, qui se mirent immédiatement à travailler d’après ses instructions. Ce qui manquait cependant, c’était une collection de bons instrumens. Cassini avait profité d’un voyage en Angleterre pour commander à Ramsden une lunette méridienne de 7 pieds 1/2, semblable à celle de Palerme ; mais la mort de l’artiste en retarda la livraison jusqu’en 1804. Elle est aujourd’hui à Toulouse.

Nous voyons ainsi pendant cent trente ans les astronomes de l’observatoire de Paris expier la faute originelle commise par les fondateurs de cet établissement. Privés d’instrumens d’une précision suffisante aussi bien que d’un local propre à les recevoir, ils ne peuvent entreprendre aucun de ces travaux d’ensemble qui font la gloire des observatoires modernes. Les quatre Cassini et leurs collaborateurs n’ont jamais pu exécuter à Paris que des recherches de détail. Ils ont sans doute complété et perfectionné plusieurs parties de l’astronomie, ils se sont illustrés par quelques découvertes isolées et en quelque sorte personnelles ; mais ces découvertes sont pour la plupart de celles qu’un amateur en possession d’une bonne lunette peut faire en l’installant dans son jardin. Les grands travaux de cette époque sont ceux qui se sont faits en dehors. Dominique Cassini avait prolongé la mesure de la méridienne jusqu’aux Pyrénées, et cette opération considérable lui eût fait le plus grand honneur, s’il n’en avait pas conclu que la terre était allongée vers les pôles, résultat diamétralement opposé à celui que Newton déduisit de ses théories. Les expéditions de La Condamine au Pérou et de Maupertuis aux régions polaires devaient confirmer d’une manière éclatante les prévisions du grand géomètre anglais, comme le voyage de Richer à Cayenne lui avait déjà donné raison sur un autre point. À ces entreprises scientifiques, qui ont jeté un si grand éclat sur l’Académie des Sciences au siècle dernier, l’Observatoire n’a pris qu’une part très indirecte. On peut dire néanmoins qu’il en conserve en quelque sorte le souvenir historique. C’est là que Richer suivait la marche de sa pendule avant de partir pour Cayenne ; il l’y vérifiait après son retour, et constatait par cette comparaison un phénomène inattendu, la diminution que la pesanteur des corps terrestres subit à mesure qu’on se rapproche de l’équateur. Les mêmes salles ont été témoins des essais, des préparatifs minutieux qui précédèrent les mesures exécutées en France, au Pérou et en Laponie pour déterminer la grandeur et la figure de la terre. C’est à l’observatoire de Paris que Cassini de Thury élabora sa