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Picard partit pour le Danemark afin de visiter les ruines d’Uranibourg et pour déterminer exactement la latitude du lieu où Tycho avait observé. Des fouilles qu’il pratiqua dans le sol lui firent retrouver les fondations du bâtiment. Il y exécuta quelques recherches intéressantes, et se rendit ensuite à Copenhague afin de visiter l’observatoire de la Tour-Ronde, dont la construction était achevée depuis quinze ans. C’est là qu’il rencontra Olaüs Roemer, alors âgé de vingt-sept ans, dont il devina le génie et qu’il ramena en France. Roemer devint bientôt l’un des membres les plus distingués de l’Académie nouvellement fondée. En 1673, l’abbé Picard eut lui-même son logement à l’Observatoire, ainsi que Couplet, le premier trésorier perpétuel de l’Académie, à qui l’on confia la garde du « cabinet des machines. » Aidé de Roemer et d’Adrien Auzout, Picard commença dès lors ses premiers essais d’observations méridiennes ; mais il eut la plus grande peine à obtenir seulement les instrumens dont il avait besoin. « Les préférences, dit Delambre, n’étaient plus pour Picard, il avait cessé d’être l’astronome en crédit. Le public voyait les murs de l’Observatoire, il s’informait peu si cet établissement somptueux était fourni des instrumens les plus nécessaires. On a vu depuis Catherine II faire exécuter à Londres à grands frais les plus chers instrumens astronomiques ; ils furent envoyés à Pétersbourg, les gazettes en répandirent la nouvelle par toute l’Europe, c’était tout ce qu’on voulait ; les instrumens restèrent quinze ou vingt ans dans leurs caisses sans qu’on songeât à en tirer le moindre parti, sans même au moins les suspendre pour les offrir aux regards des amateurs. »

On trouve dans l’Histoire céleste de Lemonnier les observations que Picard fit à Paris et qui se continuent jusqu’à l’année 1682, qui est celle de sa mort On y voit qu’il a fait planter à Montmartre un grand pilier de bois dans la direction de la méridienne ; ce pilier a été plus tard remplacé par une pyramide. Les observations de l’étoile polaire lui firent reconnaître une variation annuelle dont l’existence réelle lui parut démontrée, mais dont il ignora toujours la cause ; elle ne fut expliquée que cinquante ans plus tard par Bradley, lorsque celui-ci découvrit le phénomène de l’aberration de la lumière[1]. C’est aussi à cette époque que Picard obtint du roi l’autorisation de fonder la Connaissance des temps. La première

  1. La vitesse de propagation de la lumière et celle de la translation de la terre se combinent de manière à nous faire paraître les rayons lumineux légèrement déviés de leur véritable direction ; c’est ce que l’on appelle l’aberration. On observe un phénomène analogue lorsqu’on regarde la pluie pendant qu’on est emporté par un train sur un chemin de fer ; les filets d’eau semblent alors tomber dans une direction inclinée, qui se redresse quand le train s’arrête.