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connaître les positions relatives des étoiles sur la sphère céleste par le temps qui s’écoule entre leurs passages et par leurs distances au pôle, mesurées sur un cercle divisé. C’est par ce moyen qu’on obtient aujourd’hui en quelques années des catalogues d’étoiles qui renferment des milliers de positions ; il sert en outre à déterminer avec précision les places successives que le soleil et les planètes occupent par rapport aux étoiles fixes, et l’on ne connaît pas de procédé plus simple ni plus sûr pour régler la marche des pendules.

C’est sur les observations méridiennes que reposent les fondemens de l’astronomie moderne. Elles nous ont appris que rien n’est fixe dans le ciel : tout change, tout varie, tout se déplace par un travail insensible que révèlent seulement des observations longtemps continuées avec les instrumens les plus délicats. Il semble quelquefois que les résultats soient d’autant plus grandioses que les quantités qu’il s’agit de mesurer sont plus imperceptibles. La découverte du mouvement de translation générale qui emporte le système solaire vers des parages inconnus n’est due qu’à une discussion minutieuse des positions successives de quelques milliers d’étoiles, discussion qui a fait reconnaître des variations progressives si petites qu’elles n’ont force probante que par la constance et la régularité avec laquelle elles se manifestent. On comprend quelle patience résignée exige ce genre d’observations, destiné à accumuler des grains de sable qui ne font une montagne qu’au bout de quelques vingt ou trente années. Avec les moyens d’observation sont venus les devoirs, et ils sont lourds. Pour être grand ici, il faut se faire petit, s’inquiéter de ce qui paraît insignifiant, tenir compte des moindres erreurs, parce qu’elles peuvent contenir en germe une découverte importante, ne se fier à la stabilité de rien, ni au sol sur lequel on marche, ni aux blocs de pierre sur lesquels on s’appuie, ni à la régularité des horloges, ni même au témoignage des yeux, car l’erreur se glisse encore jusque-là. L’observation de la veille ne ressemble jamais exactement à celle du lendemain ; c’est dans les différences que se trouve l’inconnu. De là l’importance capitale des conditions extérieures dans lesquelles est placé un observatoire ; si l’accident vient se mêler à chaque instant au travail mystérieux des causes qui modifient les phénomènes et qu’il s’agit de surprendre, on perd sa peine, et tout est à recommencer.

Le grand travail de Picard, celui pour lequel il a été le plus souvent cité et qui lui fit le plus d’honneur aux yeux de ses contemporains, est la mesure de l’arc du méridien compris entre Malvoisine, au sud de Paris, et Sourdon, près d’Amiens. Ses triangles furent assis sur une base qu’il détermina entre Villejuif et Juvisy, sur un chemin pavé en ligne droite et offrant très peu d’inégalités.