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qu’il fit à l’aide d’une lunette mobile sur un quart de cercle de 9 pieds 7 pouces de rayon à la bibliothèque du roi est du 2 octobre 1667 ; cette date est assurément l’une des plus importantes dans l’histoire de l’astronomie, elle marque un grand pas fait en avant. On ne s’étonnera pas des difficultés que rencontra Picard à l’origine, lorsqu’il voulut faire adopter cette méthode d’observation, si l’on songe que l’illustre Hével, quoique très expert lui-même dans la construction des lunettes, a préféré jusqu’à sa mort se servir des pinnules de Tycho pour la mesure des distances angulaires. Il est assez naturel que Picard n’ait pas excité tout d’abord un grand enthousiasme par une invention qui permettait seulement de pointer avec plus de précision sur les étoiles dont on voulait déterminer les positions, résultat qui ne pouvait être apprécié que par une longue expérience, tandis que les découvertes qui se rapportaient à des phénomènes isolés et faciles à comprendre émerveillaient la foule et contentaient le roi. Explorer la surface du soleil et le voir tourner lentement avec ses taches, admirer les montagnes de la lune, épier le mouvement des satellites de Jupiter et de Saturne, constater l’exacte échéance des éclipses que déjà les calculs de la théorie prédisaient avec une précision remarquable, voilà ce qui semblait à cette époque être la véritable mission des astronomes. Les observations d’aspect et de vision, qui révélaient chaque jour quelque nouveau détail sur la constitution physique du système solaire, avaient encore le charme de la nouveauté, qu’elles ont perdu depuis que nous apprenons tout cela à l’école. Les éclipses étaient des événemens publics, les planètes ne se découvraient pas encore à la douzaine ; on avait sur l’avenir des conquêtes réservées aux lunettes d’approche des illusions auxquelles nous avons renoncé, et l’on ne comprenait pas qu’on perdait sans retour l’occasion de faciliter par des mesures précises la tâche de la postérité. L’insouciance avec laquelle on traita les projets de Picard a retardé de près d’un siècle les progrès de l’astronomie d’ensemble et de mesure.

Picard ne se contenta pas d’ailleurs de perfectionner ainsi les moyens d’observation, il a aussi posé les principes de la rectification des instrumens astronomiques, et l’on voit dans ses ouvrages qu’il n’a jamais négligé les précautions minutieuses qu’il recommande aux observateurs, et qui consistent dans l’étude des erreurs instrumentales. C’est là qu’est toute la précision des observations modernes. On doit enfin au prieur de Rillé le procédé qui est devenu en quelque sorte la cheville ouvrière de l’astronomie pratique : l’observation du passage des astres au méridien[1]. Ce procédé fait

  1. Le landgrave Guillaume avait déjà observé des passages d’étoiles à l’aide de ses quarts de cercle et d’horloges encore dépourvues de pendules, mais il n’avait pas remarqué combien il est important de faire ces sortes d’observations dans le méridien.