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propre maison, et dans lequel il mena à bonne fin une description détaillée de la lune et un grand catalogue d’étoiles, nous aurons mentionné toutes les sources d’information qui étaient en 1667 à la disposition des mathématiciens et des architectes auxquels Colbert confia le soin de dresser les plans du nouvel observatoire.

Tout eût tourné au profit de la science, si dans cette occasion on avait écouté les avis solides des hommes du métier. Par malheur la réputation naissante de Claude Perrault, le célèbre auteur de la colonnade du Louvre, avait assez de poids déjà pour qu’il pût faire accepter un édifice de parade à la place d’un établissement utile et approprié au but spécial auquel on le destinait. La fantaisie monumentale de l’architecte de Louis XIV l’emporta sur les représentations des astronomes, qui voyaient s’élever sous leurs yeux une espèce de forteresse dont les murs épais devaient les empêcher d’apercevoir le ciel à moins de monter sur le toit. Perrault tint bon, même contre Colbert, qui reconnaissait la justesse des objections présentées par les adversaires du projet en voie d’exécution. Il ne voulait pas, disait-il, rompre les lignes architectoniques ; il ne pouvait se résoudre à porter atteinte à l’harmonie, à la régularité des masses. Ce colossal attentat au bon sens fut donc consommé, et l’astronomie française s’en ressent encore après deux siècles, pendant lesquels on n’a pas cessé de raccommoder et de consolider l’œuvre de Perrault.

L’emplacement de l’Observatoire n’avait pas été mal choisi ; il ne se trouvait pas, comme aujourd’hui, au milieu d’un quartier populeux ; il s’élevait en pleine campagne, en dehors de l’enceinte de la ville. À l’entour étaient disséminés de nombreux monastères qui sont devenus plus tard les centres de faubourgs par lesquels la ville s’est peu à peu avancée du côté du sud. La colline Saint-Jacques, qui devait recevoir l’établissement consacré à l’astronomie, offrait encore l’avantage d’être assez élevée. Comme les observations se font principalement dans la partie sud du ciel, on tournait le dos à la ville et on n’avait pas à craindre les fumées des habitations ; on était d’autant plus sûr de les éviter que les beaux temps se présentent chez nous ordinairement par le vent d’est. Au-devant de l’Observatoire s’étendait un plateau solitaire que bornaient à l’occident les bois de Sceaux.

Lorsque le décret de fondation fut signé et l’emplacement de l’édifice arrêté, on voulut le consacrer par des observations qui se firent le 21 juin 1667, jour du solstice, avec une sorte de pompe et de cérémonie. Les mathématiciens de l’Académie, Picard, Auzout, Huyghens, Roberval, Buot, se transportèrent sur le lieu et tracèrent une méridienne « avec tout le soin que leur pouvaient