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mains des états l’administration locale presque tout entière, car le gouvernement livrait à leurs délégués des attributions que la plupart des pays libres réservent de nos jours à la seule puissance exécutive. Le maréchal de Montesquiou était parvenu à supprimer les bureaux diocésains, centres habituels de l’esprit d’opposition, et à substituer la régie directe des impôts perçus par les employés du roi à l’abonnement à prix fixe, système qui, en rendant l’état complètement étranger au mode de la perception, plaçait les agens de celle-ci sous la main même de la représentation nationale. L’effet de ce grand changement avait été de susciter des résistances universelles au sein des populations, pour lesquelles était venu s’ajouter au poids des charges fiscales l’arbitraire avec lequel elles étaient réclamées. Les non-valeurs devinrent immenses, et le gouvernement, voyant ses recettes diminuer, n’hésita pas à revenir au système de l’abonnement à forfait, qui faisait de l’impôt une sorte de charge provinciale, du moins quant à la manière de le recouvrer.

Les états se trouvèrent ainsi conduits à nommer eux-mêmes les comptables et à statuer sur toutes les réclamations auxquelles la répartition donnait lieu. Ces détails, qu’aucune administration spéciale ne venait alors alléger, absorbèrent à chaque tenue législative un temps considérable, et l’on se trouva, par la force des choses, amené à constituer au sein de la représentation nationale une institution permanente, afin de centraliser tous les renseignemens et de statuer sur toutes les réclamations introduites dans l’intervalle des tenues. De là, en 1734, la formation de la commission intermédiaire, création déjà tentée dans le XVIe siècle, mais dont les suspicions du pouvoir avaient empêché l’organisation définitive. L’essai réussit enfin par le concours même du gouvernement, qui, au milieu des embarras sans cesse croissans du trésor, ne poursuivait qu’une seule pensée, celle de faire élever le plus haut possible le chiffre de l’abonnement en déférant par l’octroi de ce mode de gestion au vœu le plus cher des états. En 1736, l’assemblée élut donc dans les trois ordres quatre-vingt-un membres auxquels sa confiance remit toute l’administration du pays, l’intendant de la province demeurant à peu près étranger au règlement des questions financières, réservées à la commission intermédiaire et à la chambre des comptes de Nantes. Cette nombreuse commission formait un bureau général, siégeant en permanence à Rennes, qui cumulait les attributions d’une sorte de direction des contributions directes et celles que nos lois nouvelles ont données dans le conseil d’état à la section du contentieux. Avec cette commission correspondaient journellement neuf bureaux particuliers composés de dix-huit membres chacun, établis au chef-lieu des diocèses, chargés d’instruire toutes les réclamations et de statuer en premier