Lorsque les élémens d’une conviction sommaire ont été enfin réunis, l’accusé dont l’innocence se trouve reconnue est mis hors de cause ; celui au contraire que les faits dénoncent à première vue comme coupable est renvoyé, selon la gravité du cas, devant la cour des quarter sessions ou devant les assises. Quel a pourtant été le rôle du prévenu durant cette enquête ? Rien ne s’est fait en secret, entre deux portes ou dans le cabinet d’un juge d’instruction ; tout s’est passé en présence de l’accusé et au grand jour. Il a pu entendre les témoins qui ont déposé contre lui et se faire une juste idée des charges qui le menacent. Nul ne l’interroge ; l’officier de police qui l’a arrêté, le juge qui statue sur son compte, ont au contraire eu le soin de l’avertir qu’il n’était point obligé de répondre, et que la loi anglaise ne force jamais un homme à porter témoignage contre lui-même. S’il fait un aveu, c’est de son propre mouvement et avec parfaite connaissance de cause : aussi dit-on en pareil cas qu’il offre volontairement une déclaration, he volunteers a déclaration. La question est définitivement abolie dans la Grande-Bretagne, et par-là il faut entendre non-seulement l’épreuve de l’eau et du feu, mais encore la torture morale de l’interrogatoire, la mise au secret et toutes ces vieilles traces de l’inquisition qui se perpétuent au sein des sociétés modernes. Ailleurs tout homme accusé doit prouver qu’il est innocent ; en Angleterre, la justice est tenue de prouver qu’il est coupable.
Les dépositions des témoins entendus devant le magistrat sont alors communiquées à la cour par laquelle le prisonnier doit être jugé, et là se dresse l’acte d’accusation, indictment. Cet acte, écrit sur parchemin, contient seulement la matière des faits qui, dans l’opinion d’un premier tribunal, sont de nature à motiver un procès. les charges doivent être, comme disent nos voisins, substanciées (to substantiate a charge), car en Angleterre on ne juge point sur des ombres. Moyennant une très faible rétribution, l’accusé a le droit d’obtenir une copie de cet acte et de savoir ainsi à quoi s’en tenir quant à l’ensemble des témoignages qui l’incriminent. Autrefois il suffisait de la moindre erreur de date, de nom propre ou de lieu pour frapper l’indictment de nullité, et pour que le coupable échappât aux mains de la justice. C’était évidemment un abus, et nul ne s’étonnera qu’on l’ait aboli. Aujourd’hui le juge fait vérifier par le greffier, durant le procès, les inexactitudes qui ont pu être commises, et il suffit d’un trait de plume pour corriger ces légères fautes de rédaction. Que se passe-t-il toutefois entre la mise en accusation et le jugement du prisonnier ? Avant de répondre à cette question, il nous faut indiquer le caractère distinctif de la procédure anglaise. Le vœu des légistes d’outre-mer a été