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s’arrêtent dans les grandes villes pour y ouvrir les assises. Le sheriff est chargé de les recevoir et de leur fournir une escorte de hallebardiers ou tout au moins de policemen. Leur entrée dans la ville est saluée par le son des cloches et des trompettes. Les deux juges voyageurs, itinerant, ont le droit d’oyer et de terminer toutes les disputes, toutes les questions de droit ; ils sont en outre autorisés à délivrer tous les prévenus qui attendent leur sentence au fond des prisons, general gaol delivery. Par délivrance, il faut entendre ici l’acquittement ou la condamnation. A peine arrivés, les magistrats consultent en effet le calendar, c’est-à-dire la liste de ceux qui ont été arrêtés depuis les dernières assises. Accompagnés de serjeants-at-law, de conseillers de la reine et d’autres avocats qui les suivent dans cette tournée, ils agissent au nom des pouvoirs que leur donnent deux commissions, l’une d’assises (of assize) et l’autre de nisi prius. Ces derniers mots signifient que la cause, pendante devait être évoquée devant le tribunal siégeant à Westminster, à moins qu’avant le jour fixé pour le procès des juges ne vinssent eux-mêmes et ne se saisissent de l’affaire. Ils sont venus, et c’est à eux de décider. L’un des deux juges siège dans la cour criminelle, qu’on appelle « cour de la couronne, » et l’autre préside le tribunal civil nommé nisi prius. Tous les prévenus doivent être jugés durant les assises. Il faut, pour surseoir au procès, des motifs extrêmement graves, des ’circonstances qui défient la volonté humaine, et encore l’accusé est-il en pareil cas amené devant la barre, où il peut faire valoir ses objections. Après leur tournée, les deux juges isolés reviennent à Westminster, où les membres des trois cours, réunis en un conseil qui prend alors le nom de cour d’appel ou de cour des erreurs, révisent et contrôlent entre eux les arrêts rendus durant les assises dans les différens districts visités. Grâce à ce mécanisme, l’Angleterre, un des pays les moins centralisés de l’Europe, se montre d’un autre côté, par un singulier privilège, celui où la justice est la plus uniforme. On ne rencontre point au-delà du détroit des cours de province ayant des coutumes et des traditions à elles qui se démentent souvent les unes les autres dans la pratique de la loi. Au moyen d’un centre et d’excursions régulières, nos voisins ont trouvé le secret d’atteindre, en fait de tribunaux supérieurs, l’unité dans l’ubiquité. La même juridiction s’étend surtout le royaume et s’exerce par les mêmes hommes.

Ces cours suprêmes ne sont pourtant point les seuls tribunaux qui fonctionnent en Angleterre ; il y en a d’autres revêtus d’un caractère plus défini et plus local. Parmi ces derniers figurent les cours de comté (county courts), les cours de sessions trimestrielles (courts of quarter sessions), et celles de petites sessions (petty sessions). Les cours de comté ont été établies, il y a quelques années,